C’est inédit ! Une équipe de 34 chercheurs de tous horizons analyse ce qui a été fait pour éliminer cette abomination. Daniel Borrillo, juriste engagé et codirecteur de cet ouvrage complet et inspirant, nous répond.
STROBO : Le premier texte du livre, signé Malick Briki, est un récit d’expérience, face à un psychiatre homophobe. Etait-ce une volonté de planter le décor ?
Daniel Borrillo : La préface a été rédigée par une juge de la Cour européenne des droits de l’homme ayant contribué aux avancées des droits LGBT en Europe. Après notre introduction, qui retrace l’évolution des pseudo-thérapies visant à « guérir » l’homosexualité, nous avons voulu donner la parole à une personne ayant à la fois une expertise en psychiatrie et un vécu en tant que gay ayant subi l’homophobie médicale des années 90. Son chapitre montre comment la médecine a, depuis des siècles, mis en place un appareil répressif contre l’orientation sexuelle, avec des pratiques telles que la lobotomie, l’aversion, la castration chimique, les électrochocs… Plus tard, la psychanalyse a prolongé cette violence par des théories fumeuses sur l’identification à la mère, la peur de la castration ou le complexe d’Œdipe. En ce sens, on peut dire que le nazisme n’a fait qu’appliquer de manière extrême ces théories, dans le but de convertir les homosexuels aryens en bons pères de famille et soldats.
En France, malgré la loi en 2022, elles n’ont pas disparu. Les associations réactionnaires sont-elles si difficiles à poursuivre ?
C’est difficile lorsqu’il s’agit de pratiques volontaires. De surcroît, vous imaginez bien que personne ne se présente aujourd’hui comme prétendant guérir l’homosexualité. Il s’agit soit d’un accompagnement spirituel, soit d’un coaching pour affirmer sa masculinité. Toutefois, si une personne porte plainte contre ce type de pratiques, le procureur est tenu d’ouvrir une enquête.
Un expert de l’ONU a un jour qualifié ces « thérapies » de torture, le mot vous convient ?
Pour lui, il s’agit d’une forme de torture psychologique, mais dans certains pays, on est face à de véritables tortures physiques, comme les viols correctifs pour les lesbiennes ou les castrations chimiques pour les gays. Il s’agit surtout d’une escroquerie : il est scientifiquement prouvé qu’il n’y a rien à guérir.
Le sous-titre de l’ouvrage parle de « lutter contre les tentatives de guérir l’homosexualité ». Au vu des signes inquiétants aux États-Unis, êtes-vous raisonnablement optimiste ?
La Cour suprême des États-Unis devra bientôt se prononcer sur le cas d’une assistante sociale évangélique qui estime que l’interdiction des pratiques de conversion sur mineurs porte atteinte à sa liberté religieuse et à sa liberté d’expression et à la possibilité de changer l’orientation sexuelle des mineurs. La question est loin d’être définitivement réglée.
L’interdiction des « thérapies de conversion sexuelle» Lutter contre les tentatives de guérir l’homosexualité, sous la direction de Jimmy Charruau, Daniel Borrillo et Thomas Perroud, Editions Bruylant, 560 pages, 75€.

