La Hongrie est devenue le 18 mars dernier le premier pays à interdire les Prides au sein de l’Union Européenne. Et justement, seule l’Union européenne semble être en mesure de faire reculer l’autocrate Viktor Orban, premier ministre de la Hongrie. Encore faut-il qu’elle s’en donne les moyens.
S’il y a une pride un peu plus importante que les autres cette année, c’est bien celle de Budapest. Prévue le 28 juin, elle est devenue illégale depuis le vote des députés hongrois le 18 mars dernier. A l’invitation du Premier ministre Viktor Orban, ceux-ci ont validé un texte qui interdit les manifestations de type Pride dans le pays. Sur place, les militant.e.s ont annoncé leur intention de marcher malgré tout et se mobilisent pour tenter de faire reculer le gouvernement. Le 25 mars, des milliers de manifestations ont ainsi bloqué la circulation dans le centre de Budapest pour protester contre l’interdiction de la Pride. Pour l’instant, Orban et le Fidesz, son parti, n’en ont cure. Celles et ceux qui défileront fin juin sont d’ailleurs prévenu.es. Ils et elles encourent une amende de 500€. Les autorités ont précisé qu’elles utiliseraient la reconnaissance faciale pour identifier les manifestant.es. Avec cette mesure, la Hongrie est devenue le premier pays européen à interdire explicitement les prides. Sur X, la commissaire européenne Hadja Lahbib a critiqué la loi hongroise: « Nous sommes aux côtés de la communauté LGBTQI - en Hongrie et dans tous les États membres. Le droit de se réunir pacifiquement est un droit fondamental qui doit être défendu dans toute l'Union européenne. » Mais les mots paraissent bien dérisoires face à un dirigeant qui se heurte souvent aux instances de l’Europe. Pour la députée européenne EELV Melissa Camara (en couv de Strobo n°38), on en est là parce qu’on a justement laissé faire le premier ministre hongrois: « On a cette loi qui porte atteinte à la liberté de réunion, qui est en rupture totale avec les valeurs de l'Union européenne, aussi parce qu'on n'a pas su dire stop à Viktor Orban il y a plusieurs années ».
Une solution européenne?
Le seul moyen d’arrêter Orban semble se tenir entre les mains de l’UE. Le dirigeant d’extrême droite, au pouvoir depuis 2010, ayant fait en sorte que son parti ait peu ou prou tous les pouvoirs, l’opposition politique hongroise n’a hélas aucune marge de manœuvre. La Hongrie fait déjà l’objet d’une procédure d’infraction devant la Cour Européenne de Justice, à cause de sa loi de 2021 sur la « propagande gay », inspirée par une loi similaire en vigueur dans la dictature Russe. La plainte émane de la Commission Européenne et pour le procès qui s’est tenu le 19 novembre 2024, elle a été rejointe par 16 Etats Membres et le Parlement Européen. Le verdict est attendu dans l’année. Si la Hongrie est condamnée, elle ne pourra plus recevoir certains fonds européens, qui se chiffrent en milliards.
Melissa Camara pointe aussi une autre solution, le recours à l’article 7, qui permet d’infliger des sanctions à un pays qui enfreint les règles de l’Union, qui peuvent aller jusqu’au retrait de son droit de vote au sein de l’Union. Mais les règles de majorité pour pouvoir aller jusque là sont extrêmement contraignantes. De fait, c’est une option qui n’est jamais allé jusqu’à son terme, malgré des tentatives, contre la Pologne notamment.
Effet tâche d’huile
Pour la députée européenne, une réaction de l’Europe est vitale, sans quoi, d’autres pays suivront. « Après la loi anti-propagande LGBT, qui a démarré les premiers contentieux, la réaction en justice de la Commission, on a vu tout autour des pays qui ont commencé à essayer d'établir ce type de loi anti-propagande LGBT, explique-t-elle. Si on laisse faire ce précédent et si on laisse la Hongrie geler comme ça la liberté de réunion, la liberté d'expression, etc., d'autres pays vont tenter. Et on le voit, en fait. Ce n'est pas un événement qui va rester dans les cadres des frontières hongroises, parce qu'on sait que l'extrême droite est absolument mobilisée. Elle porte un agenda commun qu’elle tente d’exporter au-delà des frontières nationales de chaque parti. » L’avertissement vaut aussi pour la France. A toutes fins utiles, Melissa Camara rappelle qu’aujourd’hui, « le groupe de Jordan Bardella est allié au Fidesz de Viktor Orban ». Elle ajoute : « On sait qui sont les alliés de Jordan Bardella et de Marine Le Pen et on sait ce qu'il adviendra de nos droits s'ils arrivent au pouvoir. Parce qu'ils portent exactement le même projet politique réactionnaire ». En attendant, la députée européenne affirme qu’elle ira défiler le 28 juin prochain avec d’autres collègues du Parlement Européen pour soutenir la communauté LGBT+ hongroise. Une pride qui s’annonce sous haute tension.
Photo: Budapest Pride 2017. Christo