C’est une personnalité connue pour sa visibilité et son engagement. Léon Salin a été Pitcrew dans Drag Race France et a fait la couverture du magazine Têtu. Infatigable pédagogue, il propose aujourd’hui le récit en huit chapitres de sa transition de genre, de l’enfance à nos jours. Sans cacher la montagne d’obstacles, il parvient à émouvoir et à informer, oscillant entre confidences et incitation au combat. Une lecture plus nécessaire que jamais.
Votre livre sort alors que les personnes trans sont violemment attaquées, notamment aux Etats-Unis. Le récit des personnes elles-mêmes peut-il faire évoluer ceux qui ont des préjugés transphobes, notamment les gays ?
Oui, je le crois profondément. Quand une personne trans partage son histoire avec ses mots, son vécu, ses émotions, ça peut vraiment toucher. Même ceux qui ont des préjugés – y compris dans la communauté gay – peuvent être bousculés. Parce que c’est plus difficile de rester enfermé dans ses idées quand on entend quelqu’un raconter sa vie avec sincérité, avec humanité. Le récit personnel a un vrai pouvoir de transformation.
Vous évoquez des périodes de douleur et des moments de bonheur. Vivez-vous une « paix personnelle » comme mentionné dans un chapitre ?
Oui, aujourd’hui je peux dire que je vis une forme de paix. Après cinq ans de transition, je suis en accord avec moi-même. Je regarde mon corps avec bienveillance, je me sens aligné, apaisé. Ce n’est pas un parcours facile, mais je suis à un stade de plénitude que je n’aurais jamais imaginé au départ. C’est une sensation douce, profonde, qui me donne de la force au quotidien.
Avez-vous croisé le chemin de beaucoup d’alliés surprises, comme le premier psy ?
Honnêtement, j’ai croisé plus de mauvaises surprises que de belles. Mais ce psychiatre-là m’a vraiment marqué. Il m’a accueilli sans jugement, avec humanité. Je m’attendais à devoir me battre, et au contraire, il a été un soutien inattendu. Ces alliés qu’on ne voit pas venir, ils laissent une empreinte. Ils réparent un peu ce que d’autres ont blessé.
Votre parcours se déroule en Suisse, est-ce un pays plus transfriendly qu’en France ?
Non, je n’ai pas ce sentiment. En réalité, il y a moins de monde, donc forcément moins de communautés, moins de lieux ressources, moins de visibilité aussi. Parfois, ça donne un sentiment d’isolement. Il y a moins de structures pour nous accompagner, pour créer du lien, pour militer ensemble.
Ecrire son histoire demande un engagement sur la durée. Avez-vous ressenti l’euphorie de l’écrivain ?
Oui. Écrire a été une expérience intense. J’ai vraiment pris plaisir à le faire, j’ai senti que quelque chose se déposait en moi. C’était fort, parfois émouvant, mais aussi structurant. J’ai redonné du sens à certains moments flous, j’ai revisité des souvenirs en les regardant autrement. Ça m’a fait du bien. Je ne dirais pas que c’était une thérapie, mais ça m’a rapproché de moi-même.
D’un monde à l’autre, une histoire de transition de genre de Léon Salin, Editions Leduc. 19,90€.