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Paris : Inauguration du monument en hommage aux déporté.es homosexuel.les

Xavier Héraud

Après Amsterdam, Berlin, Barcelone, Sydney ou Tel Aviv, Paris a désormais son monument en hommage aux déportés LGBT et aux victimes des persécution LGBT-phobes. Signé de l’artiste Jean-Luc Verna, il a été inauguré ce 17 mai par la maire de Paris Anne Hidalgo. 

C’était l’une des recommandations du rapport que Jean-Luc Romero-Michel a remis à Anne Hidalgo en 2017. Le monument en hommage aux homosexuel.les déportées et aux victimes de persécutions LGBT-phobe a été inauguré huit ans plus tard, ce matin, samedi 17 mai, journée de lutte contre les LGBT-phobies. Bien que réalisé en lien avec l’association Les oublié.e.s de la mémoire, c’est la ville de Paris qui l’a commandé à l’artiste Jean-Luc Verna (ci-dessous, au centre) et qui l’a financé intégralement. 

Une baguette "pas (que) magique"

Les passant.es pourront le trouver au niveau du port de l’Arsenal, au niveau du 34 boulevard de la Bastille. Dans sa forme — une baguette magique partiellement enterrée, le monument ne manquera pas de surprendre, voire dérouter. Car contrairement aux monuments de Sydney, Tel Aviv ou Amsterdam, la sculpture monumentale ne reprend pas la forme du triangle rose. Il suffira de lire le texte de la plaque qui a été dévoilée lors de la cérémonie pour y voir un peu plus clair. Voici ce qui y est écrit : “Fichée dans le sol, cette baguette n’est pas (que) magique. Tel un souvenir qu’on voudrait enterrer, une part de mémoire oubliée, elle surgit de terre pour appeler à se remémorer. Apanage des fées, la baguette étoilée offre une face inox noire mat et une face miroitante, évoquant autant les heures sombres de l’Histoire que l’espoir et la lumière. Penchée vers les visiteurs et visiteurs, l’ombre portée qu’elle dessine peut apparaître comme un abri et comme une menace que l’Histoire ne se répète”

Lors de sa prise de parole, le président des Oublié.e.s de la mémoire, Jean-Baptiste Louis-Trieu, a déclaré:  “Ce moment d’inauguration représente bien plus qu’un aboutissement.” Pour lui, le monument “incarne une victoire du travail de mémoire, une reconnaissance publique, longtemps attendue, des persécutions subies par les personnes LGBTQIA+ dans notre histoire collective, et notamment pour les homosexuels déportés lors des événements de la Seconde Guerre mondiale.”

La maire de Paris lui a succédé au pupitre. Lors de son discours, prononcé comme à son habitude sans notes, Anne Hidalgo (ci-dessous) s’est dite “très émue” et a rappelé que jusqu'au début des années 2000, l'Etat Français ne reconnaissait pas la déportation des homosexuels : “Je me souviens très précisément début des années 2000 où la déportation des personnes LGBTQIA+ — on ne parlait pas exactement comme ça à l'époque, n'était pas reconnue officiellement dans l'histoire et lorsque nous faisions nos cérémonies, les cérémonies pour la journée de la déportation, le dernier dimanche d'avril, il y avait deux cérémonies. Il y avait la cérémonie officielle avec les élus de l'État, de la Ville, nous étions présents, les ministres, et nous élevions les drapeaux sur le site du mémorial de la déportation. Et puis il y avait la cérémonie militante.” “Et dans cette cérémonie militante, a poursuivi la maire, nous étions un certain nombre à rester. Et pourtant, ce n'était pas il y a si longtemps. Mais nous avons connu cette période-là. Et de cette période-là, nous nous sommes fait mutuellement des promesses. La promesse de faire en sorte que dans l'histoire, entre la question de la déportation des personnes homosexuelles.” Les historiens estiment qu'entre 5000 et 15 000 homosexuels ont péri dans les camps de concentration allemand. En France, ils devraient être quelques dizaines. 

Au niveau de la Ville, le projet était porté par Laurence Patrice, l’adjointe chargée de la mémoire et Jean-Luc Romero-Michel, l’adjoint chargé de la lutte contre les discriminations. Paris a désormais rejoint le cercle des villes qui possèdent ce genre de monument : Amsterdam, Berlin, Barcelone ou Tel Aviv, pour ne citer que celles-ci. Et le 20 novembre, la ville de Rouen inaugurera un monument lui aussi dédié aux victimes de LGBTphobies. Sa réalisation a été confiée à l’artiste Chloé Kelly Miller. 

Un monument aussi tourné vers l'avenir

Pour Anne Hidalgo, ce monument n’est pas seulement tourné vers le passé : “L'Histoire est là pour nous permettre de préparer l'avenir, d'éviter le pire et surtout de produire le meilleur. Et donc cette Histoire, elle nous oblige pour l'avenir. Il était très important que la reconnaissance de cette Histoire et l'obligation qui pèse sur nous pour l'avenir soient inscrites de façon forte, symbolique, mais aussi concrète à Paris.” Pour illustrer son propos, l’élue, qui quittera ses fonctions au terme de son deuxième mandat l’année prochaine, a ensuite condamné fermement les discours et les politiques anti-trans menées par de nombreux pays et mis en garde contre leur propagation.  

A l’issue de la cérémonie, Jean-Luc Roméro-Michel s’est félicité en privé que la plupart des recommandations qu’il avait faites à la maire de Paris avaient été réalisées. Parmi les dossiers en cours, il en reste une et pas des moindres : la création d’un Centre d’archives LGBTQIA+.  L’élu espère que le dossier, qui a connu plus de hauts et de bas que la carrière de Cher, aboutira avant la fin de son mandat. C’est probable: le collectif Archives LGBTQI+, qui occupe des locaux temporaires dans le Vème arrondissement, devrait signer bientôt le bail pour son local définitif du nord de Paris. 

Photos: Xavier Héraud

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