Edito Strobo #42 été 2025 : à quoi servent les Prides en 2025 ?

Franck Desbordes

La récente polémique autour de l’affiche de la Marche des fiertés de Paris 2025 soulève une question qui démontre à quel point notre communauté LGBTQIAP+ est fracturée comme elle ne l’a jamais été.

Avec d’un côté, celles, ceux et celleux qui voient les Prides comme un moment festif et militant, rassemblant toute notre communauté dans toute sa pluralité, avec des associations, des commerçants, des marcheurs.euses de toute orientation sexuelle, de toute identité de genre, et de toutes opinions politiques puisque ce format permet justement cet anonymat politique. Une sorte de monde de bisounours qui a bel et bien existé dans le passé à Paris quand la Gay Pride ne s’appellait pas encore « Marche des fiertés », et qui existe encore aujourd’hui dans de très nombreuses villes en France.

Et de l’autre côté, celles, ceux et celleux qui voient dans la marche annuelle un outil purement politique pour faire avancer des sujets portés par l’organisateur et ses associations membres. Ces sujets étant parfois très clivants, quitte à diviser la communauté LGBTQIAP+ elle-même. Et quitte à « prendre en otage *» les marcheurs.euses parfois en désaccord. (*
dixit certain.e.s contestataires sur les réseaux sociaux).

C’est le cas avec l’affiche parisienne pour la marche 2025, violente et effectivement très orientée politiquement. Une violence qui répond à la violence subie par les communautés LGBTQ+ à travers le monde. Le clash entre ces deux groupes a été immédiat dès la publication de l’affiche. Pour les uns, l’Inter-LGBTQ est noyautée par La France Insoumise (ce qui n’est pas illégal), elle serait islamo-gauchiste, non représentative de la pluralité communautaire, etc… En réponse, l’Inter-LGBT soutient quant à elle l’argument selon lequel tou.te.x.s celles, ceux et celleux qui l’attaquent sont forcément de droite ou d’extrême-droite (ce qui est faux, ils sont aussi du centre et de gauche). Ainsi donc, la Ratp, la Dilcrah (l’État), la Mairie de Paris (de gauche) qui « ne cautionne évidemment pas cette affiche », mais aussi la fédération sportive LGBT+, certaines associations LGBT historiques, etc… allez hop ! Tous de droite ou d’extrême-droite… ils, elles et iels apprécieront.

La rupture est désormais totalement consommée et il n’y a à priori aucun moyen pour que les choses se calment d’ici le jour de la marche. Chacun reste bloqué sur ses positions, limite fier.e de ce désastre. Avec un appel logique au boycott pour les uns, et un appel à dons pour les autres (l’Inter-LGBT et ses soutiens) suite à la suspension de la subvention de la région Ile-de-France (qui est bien de droite elle, et dont la présidente a manifesté avec la Manif pour tous).

Tout ça pour une affiche ratée… ! Parce qu’il y a beaucoup trop de messages dans tous les sens, et parce qu’il a fallu que l’Inter-LGBT l’explique. En comm, quand tu as besoin d’expliquer ton visuel, c’est qu’il ne fonctionne pas de lui-même…

Mais en réalité, quand la Pride de Paris portait des sujets plus consensuels : le Pacs, la lutte contre le sida, le mariage pour tous, la lutte contre l’homophobie, contre nos existences, etc…, les sujets étaient tout aussi politiques. Mais ils touchaient plus directement la vie du plus grand nombre des marcheurs.euses. Reprocher à l’Inter-LGBT d’être « trop » politique n’est pas un argument de bonne foi. L’histoire de nos Prides, et des premières révoltes de Stonewall, nous rappellent que ces marches souvent festives, avec des chars et de la musique, ont toujours été politiques, multiculturelles, inclusives et antiracistes. TOUJOURS !

En réalité, au-delà de la question de savoir à quoi servent nos Prides et donc des messages qu’elles doivent porter, c’est le format de la représentation de notre communauté qui se pose. L’Inter-LGBT et ses assos membres représentent-elles toutes notre communauté ? Non. Peut-être faudrait-il ouvrir un peu le format pour intégrer de nouvelles voix. Et construire un nouveau modèle… Parce que les vrais démocrates ne craignent jamais l’exercice démocratique. Il y a peut-être là une voie de sortie pour construire ensemble et non les uns contre les autres.

Partager:
PUB
PUB