Montpellier : 30 ans de Fiertés

Julien Claudé-Pénégry

Olivier Vaille, Président de Fierté Montpellier Pride, l’association organisatrice de la marche montpellieraine revient sur trois décennies de combat.

Pouvez-vous nous expliquer ce qui rend l’édition 2025 de Montpellier Pride particulièrement unique, tant sur le plan de la programmation que de ses enjeux militants ?
Parfois tout est une question de symbole. La Pride de Montpellier comme toutes les marches militantes pour les droits des LGBTQIA+ met en visibilité le temps d’une journée le travail quotidien des militant·es toute l’année. Notre association fête cette année ses 30 ans. C’est à la fois le moment de revenir sur ce qui a été accompli par tant de personnes avant nous et de leurs rendre hommage au mieux, mais c’est aussi rappeler que le combat pour les droits humains sont permanents et que nous devons toutes et tous continuer de porter ces luttes et ces combats.

La marche de la Pride est souvent perçue comme un événement festif, mais elle possède également une forte dimension militante. Comment conciliez-vous ces deux aspects pour cette édition ?
La lutte peut aussi être joyeuse quand elle permet d’unir et de transcender. L’aspect festif de la Pride et la visibilité qu’elle met en exergue sur une journée localement est le medium pour faire passer les messages que portent les associations de luttes pour les droits des LGBTQIA+ et au-delà de toutes les structures luttant contre les discriminations. Les mots d’ordre de la Pride de Montpellier ont toujours été à notre sens revendicatifs et en cohérence avec la situation politique nationale ou internationale. Uni·e·s pour ne pas Crever, Révolté·e·s, aujourd’hui Nos Fiertés dans ta Haine, c’est au travers de ces messages et de nos actions de terrain que nous pouvons lier les deux éléments de la revendication et d’un événement populaire, festif et portant des valeurs universelles.

Le programme de cette année met en avant la slogan « Nos Fiertés dans ta… HAINE ! ». Quelle est la signification profonde de cette déclaration, et comment souhaitez-vous qu’elle soit perçue par le public ?
Ce message nous semble clair, nos luttes, nos fiertés sont viscéralement contre la haine identitaire, le sexisme, le racisme, les LGBTQIA+phobies. Que ce soit le mot d’ordre ou le mot du CA de FMP, nous souhaitons réveiller si possible des consciences, faire à la fois de la sensibilisation mais surtout alerter sur une situation plus que précaire quand on voit la facilité, la rapidité avec laquelle nos droits peuvent être mis à terre. Nous espérons une réaction, une prise de conscience car dans la guerre contre la haine il n’y a pas pire ennemi que l’allié·e qui ne fait rien.
La majorité silencieuse, celle qui n’a pas de soucis sur ces questions humanistes, doit sortir de sa zone de confort et doit agir.

La Pride Night et la Queer Night sont des moments forts de la programmation. En quoi ces soirées contribuent-elles à la visibilité et à la solidarité de la communauté LGBTQIA+ ?
Les deux soirées font aussi partie du succès de la Pride et de la visibilité des actions de l’association. Elles permettent de mettre en avant des artistes DJ, la scène drag locale. Elles sont à la fois un moment de partage mais aussi de ressources pour le financement de tous les événements de la Marche mais aussi du Centre LGBTQIA+ que FMP anime.

La marche du 14 juin 2025 s’est inscrite dans un contexte de lutte contre la haine, le racisme, l’extrême droite et toutes formes de discriminations. Quelles sont, selon vous, les principales batailles à mener aujourd’hui pour les droits LGBTQIA+ ?
Dans cette guerre contre la haine, il y a beaucoup trop de batailles à mener pour en faire une liste. L’une des plus importante reste cependant l’éducation et la sensibilisation afin de lutter pas à pas contre les visions réactionnaires qui pourrissent notre société. Les autorités qu’elles soient locales, nationales ou supra-nationales doivent être beaucoup plus fermes en ce qui concerne la sensibilisation des futures générations.
Les associations seules n’ont ni les moyens humains, financiers, temporels de mener ce combat s’il n’y a pas un véritable engagement de société contre les idéaux d’extrême droite. Les institutions doivent prendre leur responsabilités et cesser de se cacher derrière des arguments fallacieux du moment qu’il s’agit de lutter contre les discriminations. 

La programmation du mois des Fiertés à Montpellier comprend plusieurs événements. Pouvez-vous nous en donner un aperçu et expliquer comment ils participent à l’objectif d’inclusion et de sensibilisation ?
Nous avons une exposition sur les 30 ans de l’association avec la réalisation d’une fresque « La Diversité guidant le peuple » à l’espace jeunesse de Montpellier qui se tiendra du 3 au 20 juin. Cette exposition qui se base à la fois sur des archives et sur des œuvres d’artistes locaux va nous permettre de nous replonger dans l’histoire des luttes des LGBTQIA+ au cours des 30 dernières années et de relayer les messages de tolérance, d’inclusion que nous portons toute l’année. En plus de cette exposition que nous organisons, de nombreuses associations, commerces, lieux communautaires mettent en place des actions depuis le 17 mai afin de démontrer la vitalité de Montpellier et au-delà. Un festival aura ainsi lieu à Sète juste avant la Pride. Il est important aussi pour nous de mettre en avant ces actions qui nous obligent aussi à sortir de l’entrisme local et de faire la promotion de nos luttes hors Montpellier.

La Pride Montpellier s’engage aussi contre la désinformation, la haine en ligne et les discours de division. Quelles initiatives ou collaborations avez-vous mis en place pour lutter contre ces enjeux ?
Fierté Montpellier Pride ainsi que d’autres associations locales comme Le Refuge, Chemin des Cimes, la délégation locale de SOS homophobie participent régulièrement à des actions avec les institutions locales afin sensibiliser les institutions locales. Des projets finissent par émerger sur la base de ces échanges comme des actions de formation auprès de la Police Municipale.
FMP, elle, souhaite si possible augmenter ses actions destinées au personnel pédagogique, des associations locales, des EPHAD et club de l’âge d’or. Malgré les avancées législatives et des droits, il reste encore énormément de travail sur toute la société à effectuer.

En tant que président, comment mobilisez-vous la jeunesse, les alliés et les différents acteurs locaux pour faire de cette Pride un moment de rassemblement et de changement ?
Être président est un titre qui permet certes de vous identifier et de servir de relais de l’association, d’être porte-parole, etc. C’est un rôle obligatoire dans la vie d’une association ne serait-ce que pour la gestion, mais cette position ne doit pas cacher le travail effectué par les bénévoles (qu’on appelle bénéLoves). Ce sont les bénéLoves qui sont en première ligne pour fédérer, sensibiliser, motiver. Ce sont elles et eux qui sont les moteurs de notre association, de notre local et de la Pride.

Quels sont vos messages clés pour celles et ceux qui participeront à la Pride 2025, afin qu’ils se sentent à la fois 
fiers, responsables et engagés ?
A celles et ceux qui participeront à la Marche, qui porterons avec nous nos messages, nos revendications, nos luttes, nos combats, nous sommes là. Nous resterons là. Nous ne lâcherons rien !

Enfin, quels sont vos rêves ou ambitions pour l’avenir de la Pride Montpellier et pour la lutte pour l’égalité et la justice 
pour toutes les identités ?
La Pride de Montpellier est un événement militant et festif qui est largement reconnu. Mais ce succès ne doit pas cacher les enjeux que nous devons mener. Notre ville est considérée comme un espace friendly mais comme dans le reste de la France nous connaissons localement une augmentation des agressions, des insultes, d’un repli sur soi. Si la Pride est un triomphe populaire il faut qu’il se retrouve aussi tout le reste de l’année dans les faits, dans les actions menées par les associations entre autre au travers de notre projet d’agrandissement du centre LGBTQIA+ (soutenu par la DILCRAH). L’adhésion et le soutien d’un territoire à la communauté doit aussi se retrouver dans les moyens qui lui sont donnés, pas seulement à l’occasion du mois des Fiertés ou de la Pride.

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