SREN : une loi contre la pornographie inefficace

Franck Desbordes

Personne ne connaît le sigle SREN, mais tout le monde a entendu parler de cette loi puisqu’elle est la cause du départ de France de PornHub, Youporn, et Redtube le 5 juin dernier. Cette loi est censée protéger les mineurs de la pornographie en obligeant les éditeurs de sites web porno à vérifier l’âge de leurs visiteurs à chaque connexion. Mais quand la question est d’emblée mal posée, la réponse n’est bien souvent pas la bonne.

Les dessous de la loi

A n’en pas douter, quand quatre sénatrices se sont emparées du sujet pour produire leur rapport, il s’agissait autant de protéger les enfants et les adolescents de l’accès à la pornographie (ce qui fait évidemment sens) que de chercher à interdire la production et la consommation de films porno à terme.

D’ailleurs, leur rapport (n°900 du Sénat enregistrée le 27 septembre 2022) qui servira de base pour débattre de la loi SREN, s'ouvre en page 5 avec une « table ronde avec des associations féministes engagées dans la lutte contre la prostitution et la pornographie ». Le dossier est d’emblée instruit à charge. L’une des rapporteuses, la sénatrice socialiste Laurence Rossignol, va beaucoup plus loin et a le mérite de la franchise : sur France 5, dans l’émission C dans l’air, elle affirme : « et puis on peut se poser la question, en quoi nos sociétés ont besoin du porno ? » Difficile, quand on a un avis aussi tranché, conservateur et puritain, de produire une analyse juste, équilibrée et utile pour les usagers consommateurs de porno.

Logiquement, les opérateurs qui pourtant le demandaient, n’ont pas été invités à débattre et à proposer des solutions lors des débats sur la loi, dont le groupe Aylo, éditeur de PornHub, Youporn et Redtube. Et le dogme a pris le pas sur le pragmatisme, loin de toute réalité technologique et des usages des citoyens (dont les mineurs). Les parlementaires, avec cette loi SREN, ont cherché à bâtir une ligne Maginot, évidemment très simplement contournable (surtout quand on est né avec un smartphone dans les mains).


Quelques chiffres

4,2 millions de sites web pornographiques
68 millions de requêtes quotidiennes sur les moteurs de recherche
Soit 25% de toutes les recherches

La loi et ses conséquences

Entrée en application depuis quelques mois, la loi oblige donc les fournisseurs éditeurs de sites porno à vérifier lors de chaque connexion sur chaque site la majorité de chacun de ses visiteurs. Exit le simple bouton « Je suis majeur », il s’agit désormais d’une procédure de double anonymat nécessitant l’envoi d’une photo ou d’un document d’identité à une entreprise tiers qui valide la majorité de la personne, tout en garantissant l’anonymisation des données personnelles. Une solution horriblement coûteuse pour les éditeurs, souvent payante à chaque connexion, mais promise comme fiable par notre gouvernement qui semble oublier volontairement les fuites régulières de données personnelles recueillies par les hôpitaux, les administrations, les entreprises, etc. Une solution pas du tout en phase avec les usages des consommateurs non plus, qui n’entendent pas s’identifier pour ce genre de service et surtout qui n’entendent pas renouveler la procédure d’identification lors de chaque connexion, un usager pouvant passer frénétiquement d’un site à l’autre lors de sa recherche.

Devant la menace d’une coupure de ses services, le groupe Aylo a donc décidé de fermer ses sites début juin en France. La page d’accueil de Pornhub affiche désormais le tableau « La liberté guidant le peuple » d’Eugène Delacroix avec pour message : « La liberté n’a pas de bouton off » et pour argumentaire : « Nous refusons de compromettre votre vie privée ». 
Aussitôt, les vendeurs de solutions VPN garantissant l’anonymat des visiteurs ont vu leurs ventes d’abonnements exploser : +170% chez NordVPN et plus 1000% chez Proton par exemple ! Ces outils, assez simples à installer, permettent de simuler une connexion depuis un autre pays. Les lois françaises s’appliquent en France, pas à l’étranger. Et voilà notre ligne Maginot du web contournée. Et il ne sera jamais possible d’interdire les VPN (comme un député Les Républicains l’avait un temps envisagé) parce que les plus grandes entreprises de ce pays en ont besoin pour garantir la sécurité de leurs transactions et de leurs services.

Les seules solutions possibles pour protéger les enfants et les adolescents

Nos parlementaires, souvent d’un âge certain, ne sont pas nés avec les technologies du web. Ils ont même visiblement beaucoup de mal à en comprendre les aspects techniques (sont-ils conseillés ?) Sans compter le fait qu’ils défendent des positions partisanes et dogmatiques qui les aveuglent. 

Peu de temps après la signature du décret de loi visant à mettre en application la loi SREN, le Président Emmanuel Macron annonçait vouloir interdire les smartphones pour les enfants et adolescents jusqu’à 15 ans. Excellente idée ! Pas seulement sur la question de l’accès à la pornographie, mais aussi pour les protéger des réseaux sociaux, de la violence et du mal-être qui en découlent). Mais dans cette hypothèse, la loi SREN serait caduque sur le champ. Plus exactement, plutôt que d’embêter le citoyen lambda qui vit parfois sa sexualité par procuration et dans l’intimité grâce au porno, ne fallait-il pas plutôt commencer par là ?!

Mais surtout, il existe dans tous les OS (les systèmes) sur ordinateur et sur smartphone une fonction Contrôle parental. Il suffit juste de l’activer. Et d’activer ainsi la responsabilité des parents (des électeurs que l’on va encore embêter avec un sujet supplémentaire). Pourquoi le législateur ne l’a pas fait ? Tout simplement parce qu’il est le premier fautif pour cette option. Beaucoup de parents n’ont pas l’information ou les savoirs suffisants pour activer ce Contrôle parental. Ils ne savent pas faire et aucun service n’a jamais été prévu pour leur venir en aide. 

C’est à la source que l’on peut agir de manière efficace. Si l’adolescent n’a pas de smartphone mais dispose d’un simple téléphone permettant juste les appels téléphoniques, le problème est en partie résolu. Quant aux adolescents qui disposeraient d’un smartphone, ils ne pourront pas surfer sur des sites porno sans l’autorisation de leur.s parent.s. Ces deux solutions sont efficaces, c’est juste une question de courage politique.

Comment continuer à consulter Pornhub et tous les autres sites web, très simplement ?

Contourner la loi, ce n’est pas bien ! Mais Strobo mag n’est disponible que dans les lieux LGBTQ+, vous êtes donc majeur.e et n’avez pas besoin d’être protégé.e par la loi SREN. Et puis, on vous a dit dans ce dossier que la loi était inefficace, l’affirmer c’est bien, le démontrer, c’est mieux !

Il existe plusieurs solutions pour accéder à vos sites web porno habituels, certaines très techniques comme le changement des DNS. D’autres payantes comme l’abonnement à un service VPN, ils sont nombreux et totalement légaux. Mais il y a encore plus simple : utiliser un navigateur qui intègre un VPN qui se configure tout seul, comme l’excellent navigateur Tor Browser. Vous voulez un mode d’emploi ? Le voici :

1 – Télécharger le navigateur Tor Browser (dispo pour Mac, PC, pour les smatphones iOS et Androïd)
=> ici : www.torproject.org/download/

2 – Après l’installation, lancer le programme. A l’ouverture, un message « Etablishing a connection » s’affiche : le logiciel prend à ce moment-là quelques secondes pour établir une connexion qui passe par plusieurs pays.

3 – Dans la barre de recherche qui s’affiche, tapez le nom de votre site : Pornhub par exemple, et le logiciel vous donnera accès à votre site web porno préféré sans aucun problème. YOUPI !

4 – Ça ne fonctionne pas ? Pas de panique ! Ça veut dire que dans le parcours de connexion qui passe par plusieurs pays, il y a un serveur en France. Solution : allez dans le menu « File » et cliquez sur « New Tor Circuit for this site », le logiciel redéfinira alors une nouvelle connexion qui passera par d’autres pays et vous aurez à nouveau retrouvé votre LIBERTÉ. 

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