Extrême-droite, affiche, etc. : entretien avec Alexandre Schon, président de l'Inter-LGBT

Polémique autour de l'affiche, retrait de subventions de la Région Ile de France, tentative de destabilisation de l'extrême-droite... les dernières semaines n'ont pas été de tout repos pour l' nter-LGBT . Son président, Alexandre Schon, a répondu à nos questions. 

Dernière ligne droite avant la Marche des fiertés LGBTQIA+ de Paris, ce 28 juin. L'édition 2025 restera dans les mémoires après une nouvelle polémique liée à l'affiche officielle, qui a entraîné de nombreuses critiques au sein d'une partie des associations LGBT, et surtout l'annulation de deux subventions de la Région Ile de France (l'une pour 2025 et l'autre de 2023, qui n'avait pas été versée). En outre, la marche, qui reliera le centre de Paris à la place de la Nation, se voit menacer par un groupuscule d'extrême droite, qui entend venir faire scandale dans le défilé, avec le soutien du ministère de l'Intérieur, dirigé par Bruno Retailleau, ennemi de longue date des droits LGBT+. 

On a donc voulu parler de tout ça avec Alexandre Schon, qui préside l'association depuis quelques mois. 

Tout d’abord, comment va l’équipe de l’Inter-LGBT après ces dernières semaines ? 

Alexandre Schon : Vous êtes les premiers depuis trois semaines à nous poser cette question. L'équipe de l'inter-LGBT a reçu des intimidations, des menaces, des insultes par messagerie privée, via les réseaux sociaux. Il y a eu énormément de diffamation. L'équipe tient bon et affronte ça avec énormément de courage. L'équipe ne baissera jamais les yeux face à l'extrême droite ou face aux intimidations et menaces à la subvention. Jamais. Parce qu'il en va de l'avenir de nos marches des fiertés et de la liberté d'expression associative, du droit de manifester et des droits LGBTQIA+, de façon globale. Énormément d'associations nous soutiennent. Nous avons eu des communiqués assez forts de la part de SOS Homophobie, d’Amnesty International, de l'EuroPride, de la Ligue des droits de l'Homme et de plein d'associations communautaires comme le PASSTT, etc. L'équipe tient bon, et ne se laisse pas intimider. C'est ça l'essentiel.

Sur l'affiche, puisque tout est parti de là, est-ce que vous avez d'ores et déjà commencé à tirer des enseignements de ce qui s'est passé?

Ça a été l'opportunité d'avoir un moment de cristallisation politique autour  d’un certain nombre de combats qui sont portés. Et nous avons été réceptifs à l’émoi que pouvaient avoir des bénévoles associatifs sur des supports de communication, mais aussi à toute la vague de soutien et de solidarité dont notre équipe bénévole a pu bénéficier, de la part des associations, de la part des collectifs, de la part aussi des gens, quelle que soient leur opinion de l’affiche.

Grâce à un énorme élan de solidarité, on a collecté plus de 27 000 euros en l'espace de quelques jours, ce qui nous permet justement de maintenir un certain nombre de dispositifs concernant la marche et l'arrivée à Nation. Bien évidemment, il y aura un travail supplémentaire fait, notamment sur les modalités d’échanges autour de l'affiche au sein de l’Inter-LGBT. C’est ce qu'on fait déjà pour le mot d'ordre et pour le texte d'appel. Maintenant, il y a eu un vote de la plénière de l’inter-LGBT. Parce que, qu'on soit d'accord ou pas avec elle, elle utilise la violence ordinaire, la violence quotidienne de l'extrême droite comme un moyen de revendication politique, à l'image du triangle rose de l'association Act Up, qui évoque un passé douloureux. Il serait temps de passer à autre chose que l'affiche, cela fait trois semaines qu'on se prend des attaques, essentiellement de l'extrême droite, et que le problème, aujourd'hui, ne peut plus être une affiche qui a été adoptée par la plénière de l’Interassociative. Cela fait trois semaines que l'internationale réactionnaire essaye de nous couper les subventions de la Marche, y compris celle de 2023, qui n'a rien à voir avec l’affiche de cette année. Et on voit que la présidente de la Région Île-de-France envoie un contre-signal dangereux avec un choix politique assumé de donner raison au Rassemblement National qui a demandé de couper toutes les subventions de l’Inter-LGBT, l’association organisatrice de la Marche la plus fréquentée de France et l'une des plus fréquentées d'Europe. Donc là, très franchement, on est au-delà de la question de l’affiche. On est sur une extrême droite qui s'organise et qui tape très durement sur l'Inter-LGBT et ses équipes bénévoles.

Comme vous l’évoquez, la Région Ile de France, sous l’impulsion de sa présidente Valérie Pécresse, a supprimé à la fois la subvention de l’Inter-LGBT de cette année, pour un montant de 25 000 euros et a voté l’annulation d’une subvention du même montant dûe depuis 2023. Quel va être l'impact concret pour la marche de samedi ? 

La Région Ile-de-France fait le choix de supprimer coup sur coup deux fois 25 000 euros pour une association qui justement n'a pas un budget énorme à l'année, qui n’a même pas un budget à l’année d’ailleurs. L’association a donc besoin à l'heure actuelle que les pouvoirs publics puissent jouer leur rôle de financer l'ensemble des associations et des organisations qui défendent les droits des minorités, indépendamment de si elles adoptent le discours du pouvoir public en question ou non. Ça, c'est une question de droit associatif qui est fondamental. Les financeurs publics n’ont pas à sélectionner les associations qui défendent les droits des personnes minorisées en fonction de leur accord ou non avec un discours gouvernemental ou avec le discours d'une collectivité publique. Je rappelle que la libre expression associative est consacrée comme un droit fondamental consacré dans les chartes des Nations Unies. 

C’est là où nous avons un énorme problème : à travers ce signal, ce choix politique fort qui concrétise une volonté du Rassemblement National, on va commencer à choisir parmi les associations entre celles qui sont présentables et celles qui ne le sont pas. Au service d'un discours qui est celui du Rassemblement National, dont la volonté est d'effacer les minorités et les publics minorisés. Or, nos luttes sont des luttes intersectionnelles, elles sont connectées avec la lutte contre le racisme, l'antisémitisme, l'islamophobie, le sexisme et l'ensemble des discriminations, qu'elles soient validistes, discriminantes envers les travailleurs et les travailleuses du sexe, transphobes etc. 

L’impact concret, ça a été la suppression du Grand Podium des Fiertés, à l’arrivée de la Marche. Mais avec l'aide des dons, nous pouvons maintenir un dispositif pour faire la fête à Nation, ce qui n'aurait pas été possible sans cette vague de soutien et cet élan de solidarité vis-à-vis de la Marche des Fiertés et des équipes de l’Inter-LGBT.

La fin de la subvention de la Région, qui aide à financer également le Printemps des associations LGBT met-elle en danger l’organisation du Printemps et de la Marche l’année prochaine ? 

Le Printemps des associations aura lieu. Sur cet élément-là, nous prendrons le temps d'échanger calmement avec nos partenaires pendant l'été et à la rentrée. Mais l'Inter-LGBT organisera bel et bien le Printemps des associations comme elle le fait chaque année depuis 25 ans. Par ailleurs, le Printemps des Associations 2025 s’est tenu en mettant en avant, dans sa communication, le soutien de la Région Île-de-France. Ces 25 000 euros pour 2025 dont nous parlons devaient y participer, dans une proportion importante, au financement de cette édition et sont donc dus.

Selon le site Streetpress, un groupuscule d’extrême-droite souhaite s’immiscer dans le cortège samedi et aurait reçu le soutien et l’assurance de la Préfecture pour pouvoir le faire. Que pouvez-vous nous dire sur le sujet ?

L'extrême droite dans sa globalité n'est pas la bienvenue à la Marche des Fiertés et ne le sera jamais. Il y a une tribune forte dans Le Monde sur ce sujet. Nous avons été très clairs avec la Préfecture de police : l'extrême droite ne sera pas présente dans le cortège de la Marche des fiertés. Il est hors de question que nous marchions avec l'internationale réactionnaire dans nos rangs. Si jamais ils tentent de rentrer dans le cortège : la Marche des fiertés ne partira pas. Nous ne marcherons jamais avec l'extrême droite et la haine transphobe, la haine envers nos adelphes racisé·es, sexisée·es, discriminé·es.

Ces groupes d'extrême droite qui harcèlent les équipes de l’Inter- LGBT, qui les diffament, qui diffament et harcèlent des associations membres de l'Inter-LGBT et des associations qui marchent. Nous sommes confrontés à une attaque multiple: de la diffamation, des insultes et des menaces de mort sur les réseaux sociaux ; un chantage à la subvention par un acteur public et une attaque directement sur la manifestation. Sur ces trois fronts, l’Inter-LGBT est au rendez-vous, et tiendra bon jusqu'au bout.

L’article de Streetpress explique que le collectif en question se vante d’avoir obtenu une cinquantaine de CRS pour le protéger. Avez-vous une confirmation de ce chiffre ? 

Non, l'histoire des 50 CRS, ce n'est pas quelque chose qui est avéré pour ce collectif. En tout cas, nous, on ne l'a pas pas présenté comme ça. Indépendamment de ces questions là, le fait d’aller se plaindre en préfecture pour obtenir une inscription sur un ordre de marche et tenter de s’insérer dans un cortège alors que les inscriptions sont closes pose aussi problème, notamment d’un point de vue de gestion de l’ordre. On a des deadlines d'inscription, des process d’inscription, cela demande une gestion qui ne peut être gérée à la dernière minute.

Il relève de la Préfecture de police de s'assurer que le cortège de la Marche des Fiertés se déroule convenablement, sans qu'il y ait de risque pour les 130 associations inscrites et qui partagent des valeurs communes. De notre côté, nous avons augmenté le nombre de bénévoles, notamment pour la bienveillance, la vigilance et pour pouvoir garder un œil attentif sur le déroulement du cortège et l'aide aux marchant.es. Mais soyons clair l’Inter-LGBT ne peut pas se substituer au rôle des pouvoirs publics.

Sur cette question et la volonté de ne pas défiler avec l’extrême droite, avez-vous l'impression d’avoir été entendus par la Préfecture ?

J'ai le sentiment que la Préfecture a été réceptive à notre message. La présence de collectifs d’extrême droite représente une contre-manifestation que la Préfecture doit considérer comme telle.

Comment analysez-vous tous ces débats autour de la marche de Paris dernièrement ? 

Nous sommes dans un moment de bascule historique. Nos prides, en France, en Europe ou dans le monde sont de plus en plus contraintes, empêchées, intimidées, menacées par des chantages à la subvention, on le voit aussi à Toronto. Et donc il est nécessaire de comprendre que cette attaque de l’internationale réactionnaire, elle est systémique et globale. Et ce chantage à la subvention, il se fait aussi sur d'autres types de secteurs d’action sociale et de défense des droits comme on le voit sur le Planning Familial, qui a subi des baisses et des coupes budgétaires drastiques de la part des pouvoirs publics, notamment, ce qui met en danger ses activités. On le voit avec des ONG comme Médecins du monde également. Cette pression de certains pouvoirs publics sur les subventions, qui répond aussi à des priorisations de l'internationale réactionnaire pose de vrais problèmes de fonctionnement de l'État de droit et des libertés fondamentales. Il s’agit surtout d’une atteinte grave à la liberté d'expression associative et militante. Donc il faut élargir au-delà de la question des prides. Il y a d’un côté la pride de Paris, dont on veut en faire une victime, mais qui devient aujourd'hui symbole de résistance ; et de l'autre côté, il y a un enjeu plus fondamental sur l'ensemble des associations qui travaillent dans l'humanitaire et qui défendent les droits fondamentaux.

Photo : Alexandre Schon (au centre) au Printemps des associations LGBT 2025. Xavier Héraud

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