Décès de Laurent Kupferman : le traitement médiatique du chemsex pointé du doigt

Xavier Héraud

L'essayiste Laurent Kupferman est mort le 2 juillet dernier. Dès le lendemain, « Le Parisien » a révélé avec beaucoup de détails les circonstances de ce décès, survenue après une soirée chemsex. Fred Bladou, militant spécialiste des addictions et du chemsex, critique un article « voyeuriste» et « sensationnaliste ».

 

Le traitement médiatique du chemsex encore en question, après le décès de l’écrivain et communiquant Laurent Kupferman, le 2 juillet. 

Le lendemain de sa mort, Le Parisien a révélé que ce dernier, âgé de 59 ans, était mort lors d’une soirée où il aurait consommé des produits psychoactifs. Le journal donne de nombreuses informations sur le déroulé de la soirée et précise que deux hommes également présents lors de cette nuit-là, ses partenaires présumés, ont tous les deux été placés en garde à vue.  L’article a suscité la colère de Fred Bladou, militant de la lutte contre le VIH/Sida et coordinateur pédagogique, chemsex et usages sexualisés de drogues — fonction qu'il a longtemps exercé au sein de Aides. 

« Hier, une fois de plus, comme une rengaine triste et nauséabonde, nous avons appris, par la presse, les circonstances du décès de l’un des nôtres, écrit-il dans un post sur un blog Mediapart. Nous ne l’avons pas appris sous la forme d’une communication sobre et respectueuse, habituellement privilégiée lors du décès brutal d’une personne, mais sous la forme d’un vomi voyeuriste, sensationnaliste, à grand renfort de détails scabreux sur la sexualité, les pratiques d’usage de drogue, les circonstances d’une rencontre, le nombre de partenaires.» 

L’activiste ne conteste pas le droit du journal à donner des informations sur le décès d’une personne, mais il critique la méthode : «Comment, sans même respecter l’espace de quelques heures le décès d’un homme de 59 ans et la souffrance de sa famille et de ses proches, un tabloïd à la Française peut-il révéler, au mépris de toute règle d’éthique et de déontologie, des informations qui n’appartiennent qu’aux enquêteurs et à la justice ? » « Comment peut-on publier de telles informations sans même penser à la famille ?», s’interroge-t-il. 

L’associations des journalistes LGBT avait dénoncé le traitement de l’affaire Palmade

Ce n’est pas la première fois que le traitement du chemsex par les médias pose problème. En novembre 2024 L’association des journalistes LGBT (AJL) a publié une enquête critiquant le traitement médiatique du chemsex à travers l’exemple de ce qu’on a appelé “L’affaire Palmade”Le Parisien et la chaîne BFMTV y étaient particulièrement épinglés: « Dans Le Parisien comme sur BFM TV, le chemsex est majoritairement appréhendé à travers le prisme de la performance et du dopage, avec une fascination pour la durée des sessions (“marathon sexuel”, “Ushuaïa sexuel”), le nombre de partenaires, les pratiques sexuelles (BDSM, sexualité en groupe, money slavery…) et la quantité de drogues consommées (“industrielle”, “ahurissante”, “cocktail explosif”). »

Au delà du cas du Parisien, Fred Bladou dénonce d'ailleurs le deux poids deux mesures entre gays et hétéros : « Ces organes de presse relaient-ils les décès par surdose en contexte sexuel en population générale ? Publient-ils de longues nécrologies ponctuées de pornographie lorsqu’un hétérosexuel meurt en plein ébat des suites d’une consommation de produits psychoactifs ? Font-ils état des nombreux féminicides perpétrés par des hommes alcoolisés ? Feuilletonnent-ils pendant des semaines lorsque qu’une femme parlementaire est victime de soumission chimique ? Non.»

Au contraire, le militant estime que « Les gays sont systématiquement stigmatisés, pointés du doigt. Leurs pratiques sexuelles sont jetées en pâture.» 

Au delà d'un éventuel manque de respect pour une personne récemment décédée Fred Bladou estime que les articles sensationnalistes nuisent à la prévention des risques du chemsex : «Les réponses sécuritaires, prohibitionnistes, morales, les déballages grossiers et les représentations médiatiques nuisent à la prévention et à la prise en charge précoce des usagers en difficulté. Seule une approche pragmatique de santé publique déconnectée de la morale et du jugement peut aider nos communautés à réduire les risques.»

Photo: Capture d'écran interview à TV5 Monde. 

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