Librairie Violette and Co : victime d’une violente campagne d’intimidation

Julien Claudé-Pénégry

Depuis un mois, la librairie Violette and Co, établissement féministe, lesbien et LGBTQIA+ du 11e arrondissement de Paris, est la cible d’une campagne d’intimidation, de harcèlement et de dégradations orchestrée par des acteurs d’extrême droite. Cette attaque s’inscrit dans un contexte plus large de tensions autour de la présentation en vitrine de livres consacrés à la Palestine, notamment le livre de coloriage controversé « From the River to the Sea ».

Les faits et la réaction de la librairie

Selon un communiqué publié sur leur compte Instagram le 11 août, Violette and Co dénonce avoir été la cible d’un lynchage médiatique et d’actes de violence depuis plusieurs semaines. La première étape de cette campagne a été la dégradation de leur vitrine : dans la nuit du 7 au 8 juillet, des tags à la peinture à l’acide ont été peints avec des slogans haineux tels que « ISLAMO COMPLICE » et « HAMAS VIOLEUR ». Ces actes de vandalisme, qui ont laissé des traces indélébiles, ont été suivis par une intensification du harcèlement en ligne : propos diffamatoires, insultes LGBT-phobes, sexistes, racistes, ainsi que des appels à la fermeture et la destruction du lieu. Plusieurs élus de droite, notamment des membres du parti Les Républicains, ont repris ces accusations, alimentant la polémique.

Par ailleurs, un groupe de cinq personnes aurait récemment tenté d’intimider physiquement l’équipe de la librairie. La présence en vitrine de plusieurs ouvrages sur la Palestine, notamment le livre de coloriage « From the River to the Sea », a été la principale cible de cette hostilité. Ce livre, illustré et destiné à un jeune public, a été publié par Social Bandit Media, un collectif basé entre Johannesburg et New York, et a pour objectif de sensibiliser aux luttes palestiniennes. Son titre, « From the River to the Sea », est particulièrement polémique, car il évoque une expression utilisée historiquement par l’OLP puis repris à une période par le Likoud, parti israélien aujourd'hui présidé par Benyamin Nétanyahou, aujourd’hui récupéré par des mouvements comme le Hamas, et qui cristallise plus que jamais les tensions partisanes.

Une polémique alimentée par la désinformation

Dès sa parution, l’ouvrage a été dénoncé par certains médias et organisations juives sud-africaines comme « appelant à l’oblitération des Juifs », une lecture que la librairie réfute. Elle précise que les bénéfices des ventes sont reversés à des ONG humanitaires engagées dans l’aide à Gaza. Violette & Co souligne également que son choix éditorial vise à promouvoir la diversité, notamment des auteurs et autrices arabes ou issues d’Asie du Sud-Est, dans un contexte où la majorité des médias relayant cette controverse ont été accusés de relayer de fausses informations.

Ce contexte a été exacerbé par une campagne médiatique relayée notamment par des médias appartenant au groupe Bolloré, tels que CNews ou Europe 1, qui ont présenté de façon alarmiste la présence de ce livre en vitrine, le qualifiant de « propagande terroriste » ou d’« appel à la disparition d’Israël ». La librairie dénonce une instrumentalisation politique et médiatique qui nourrit la haine à son encontre.

Une réponse face à la haine et à la censure

Face à cette situation, l’équipe de Violette and Co a décidé de porter plainte pour les actes de dégradations et de harcèlement qu’elle subit. La librairie affirme ne pas céder à la pression et maintient ses choix éditoriaux, dénonçant « une campagne d’intimidation orchestrée par l’extrême droite ».

Ce contexte soulève la question de la liberté d’expression et de la pluralité des voix dans le débat public, notamment autour de questions aussi sensibles que le conflit israélo-palestinien. La librairie, qui se veut un lieu d’échange, de solidarité et de lutte contre toutes les formes de discrimination, dénonce une instrumentalisation de la violence à des fins politiques et idéologiques.

Sans céder à la censure ou à la violence, droite dans ces bottes et fidèle à son esprit militant, Violette & Co a décidé de ne pas changer sa vitrine pour autant. Coté politique, Jean-Luc Roméro-Michel, adjoint à la maire de Paris chargé de la lutte contre les discriminations, rappelle : « rien ne justifie la haine que subissent les équipes » quand les élu.e.s écologistes du 11e arrondissement  par le candidat à la Mairie de Paris, David Bédard réaffirment dans une communication officielle publié sur X, mardi 12 aout, « face aux menaces de l’extrême droite contre la librairie féministe et LGBTQIA+, Violette & Co, nous affirmons haut et fort : nous ne céderons pas à la haine. Ces attaques visent bien plus qu’un commerce : elles s’attaquent à un espace de liberté, d’émancipation et de culture. Nous, Écologistes et élu·e·s écologistes du 11e, défendrons toujours la liberté d’expression, la sécurité des lieux communautaires et le droit de toutes et tous à faire entendre une voix différente ». La solidarité avec cette librairie, symbole d’engagement et de résistance, est plus que jamais essentielle.

Strobo Mag soutient Violette & Co.

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