J’ai une IST : comment prévenir en douceur mon ou ma partenaire ?

Luc Biecq

Virus, bactéries, parasites… Il existe plus d’une trentaine d’infections sexuellement transmissibles. L’usage systématique du préservatif réduit le risque d’en attraper une, sans toutefois assurer une protection totale. Logiquement, vivre une vie amoureuse en 2025 nous expose davantage. D’autant plus que les chiffres de Santé Publique France montrent, en France et en Europe, une augmentation sur les années récentes : en 2023, les nombres de diagnostics d’infection à Chlamydia trachomatis, gonocoque ou syphilis ont été estimés respectivement à 55 500, 23 000 et 5 800. On en parle ?

Dédramatiser

Ne pas en faire un drame ne signifie pas qu’une IST est toujours sans conséquence. Comme le rappelait l’an dernier Andrea Ammon, directrice de l’ECDC (Centre européen de prévention et de contrôle des maladies), une IST non dépistée et non soignée peut entraîner des complications sérieuses — mais heureusement évitables.
La chlamydiose, la gonococcie et la syphilis peuvent provoquer des inflammations pelviennes et des douleurs chroniques. La « gono » peut rendre infertile un homme ou une femme — idem pour la chlamydiose, même si les cas d’infertilité masculine sont plus rares. Quant à la syphilis, qui a décimé nombre de rois européens, elle peut engendrer des troubles neurologiques et cardiovasculaires. Alors, pourquoi dédramatiser ? Parce que les personnes qui se font dépister régulièrement évitent justement ces complications. 
Pourtant, le rapport au dépistage n’est pas toujours simple. Yamin, 36 ans, vit en banlieue de Lyon et fréquente le même CEGIDD depuis 5 ans. Il y est à l’aise, il connaît les infirmières et les médecins. En mai dernier, il « chope une gono » et juste après avoir pensé, avec tristesse à la petite période sans sexe qui s’annonce, il se dit qu’il doit avertir ses derniers plans cul, au moins les trois derniers qu’il a vus. « Le sms, je trouve ça un peu trop cash, et froid, tu ne sais pas comment le gars va le recevoir. Je ne voulais pas les accuser bien sûr, ni me faire engueuler alors j’ai un peu insisté pour qu’ils me rappellent pour parler en live. » 
Comment a-t-il formulé ça ? « J’ai commencé classique, comment tu vas et tout ça, et j’ai dit que lors des tests du CEGIDD, on m’avait dépisté une gono. Ce sont des mecs qui baisent pas mal, qui ne se privent pas, ils savent que ça peut arriver. J’ai été basique et poli, pas de drama, j’ai dit aussi que j’étais désolé. » A celui qui s’énerve, « pas bien mêchant », selon Yamin, il explique qu’il vaut mieux se dépister pour éviter les complications. « Mais je me suis aperçu que le plus âgé, ne se faisait pas dépister très souvent, une fois par an, pas plus. Le plus jeune croyait que la capote pour la sodo suffisait à le protéger de tout. » Le troisième, un amant plus occasionnel, dit à Yamin qu’il n’est « pas parano » et se teste uniquement en cas de boutons ou brûlures, alors que les IST peuvent être présentes sans aucun symptôme. Les échanges n’ont pas été agressifs, les trois garçons ont promis de se faire tester. 

Encourager

Julie, 53 ans, est une militante LGBT qui parle parfois de prévention avec ses amies lesbiennes qu’elle juge « pas super informées sur les IST ». A Armentières, où elle vit, « quand tu fais un test IST dans un labo privée, on te regarde comme si tu étais une femme impure. » Elle est déjà tombée sur une infirmière pas très à l’aise pour lui expliquer les auto-prélèvements (un écouvillon pour la gorge et les organes génitaux) et dit qu’il faut parfois être bien avec sa sexualité, face à un ou une gynéco, un ou une médecin généraliste.
Dans une enquête menée par SOS Homophobie sur la lesbophobie, un chapitre est consacré au milieu de la santé. « Toutes les lesbiennes que je connais ont entendu des trucs chelous, beaucoup flippent à l’idée de consulter et renoncent ou reportent » regrette Julie. Les IST sont pourtant plus fréquentes chez les lesbiennes, et Julie ne cache pas en avoir eu quelques-unes. Elle a choisi, depuis 3 ans, de consulter une sage-femme, et encourage ses copines à le faire, un peu plus souvent, afin « de ne pas laisser un truc. » Car oui, les sages-femmes sont habilitées à recevoir, dépister et soigner avec, bien souvent, une approche du soin bienveillante et inclusive. Son conseil ? Lisez la brochure pour filles, Tomber la culotte, édition 2 bis, destinées aux lesbiennes et aux curieuses. 

Veiller sur l’autre

Évidemment, pendant une période de multi-partenariat, on ne dispose pas toujours des numéros de téléphone de tout le monde. Comme la plupart des applis permettent de garder le contact avec les partenaires rencontrés, un petit message est recommandé. Alain, 52 ans, marseillais et « vieux routier du cul », a été testé positif au gonocoque (ou blennorragie gonococcique, ou chaude-pisse). Les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes (HSH) sont les plus concernés avec des taux de positivité observés en CeGIDD en 2023 entre 5 et 6 fois plus élevés que les hétéros. Alain, accro aux circuits gays de rencontre (plages, saunas, applis) n’en est pas à sa première blenno :  il se souvient d’engueulades très vives, il y a quelques années, quand quelqu’un annonçait à un amant avoir eu un IST : « il fallait chercher un coupable à tout prix, alors que tout le monde faisait la même chose. Je crois que c’est moins trash aujourd’hui. Je suis plus calme avec le truc, j’en parle aux mecs à la cool, sans en faire trop. Je leur dis juste que j’ai voulu les prévenir, comme j’aurais aimé qu’on le fasse avec moi. » A ce propos, gardez deux choses en tête : accordez un peu de temps à la personne : elle peut être surprise ou inquiète, c’est normal. N’acceptez ni les mises en cause ni les menaces : si l’agressivité surgit, coupez court.  Autre possibilité : utilisez les plateformes de signalement anonyme, comme www.notification-partenaire.fr (message sans détail) ou www.tonplanatoi.fr, qui permet de préciser le type d’IST. C’est pratique après une touze, quand on a le 06 des participants, bien sûr. C’est ce qu’on appelle la notification. Elle doit aussi être encouragé par les professionnels de santé. C’est ce que recommande la Haute Autorité de santé (HAS) dans un avis de 2023 : « le patient doit être informé, conseillé, accompagné et encouragé dans sa démarche de notification, avec des messages clairs et adaptés (sur l’intérêt de la démarche, les modalités de notification, les ressources à disposition…). Si le patient en ressent le besoin, le professionnel de santé ou un autre conseiller peuvent proposer de le recevoir avec son partenaire dans le cadre d’une consultation médicale tripartite. »

Penser au plaisir et à la communauté

Informer son ou ses partenaires, c’est faire preuve de responsabilité, et prendre soin de leur bien-être physique et mental — tout autant que du vôtre. Mais c’est aussi un peu plus que ça : une approche du care (le soin), qui respecte l’idée que l’on se fait du plaisir, de son importance dans notre vie intime comme dans notre vie sociale, celle-là même qui nous a tant manqué pendant le Covid-19. À l’époque, on entendait souvent parler de « casser la chaîne de transmission ». Couramment utilisée en santé publique, cette expression renvoie à l’idée d’interrompre la propagation d’un agent infectieux (bactérie, virus, parasite…) d’une personne à une autre. Comment ? En agissant sur un ou plusieurs maillons de cette chaîne, qu’il s’agisse d’une transmission sexuelle, sanguine ou respiratoire.

Concrètement, ça veut dire quoi dans nos vies réelles ? Ce sont des gestes simples, qui bénéficient à toutes et tous, par exemple : diagnostiquer et traiter précocement l’agent infectieux (comme rendre le VIH indétectable et donc intransmissible grâce au traitement), utiliser des préservatifs ou la PrEP pour bloquer la porte d’entrée du virus, se faire dépister tous les trois mois, être à jour de ses vaccinations, notamment contre les hépatites A et B, ou encore contre le HPV. Ce dernier vaccin, recommandé et remboursé jusqu’à 26 ans, protège contre neuf génotypes responsables d’environ 90 % des cancers du col de l’utérus et des verrues ano-génitales. Enfin, faire les tests de dépistages dans un des Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) (liste sur vih.org), c’est une bonne idée : c’est l’occasion d’échanger en face à face avec un·e professionnel·le de santé, dans un climat de confiance. Et d’en ressortir avec un peu plus de connaissances, d’outils… et de sérénité.

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Sources :

https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/infections-sexuellement-transmissibles/vih-sida/documents/bulletin-national/vih-et-ist-bacteriennes-en-france.-bilan-2023

www.has-sante.fr/jcms/p_3605114/fr/vaccination-contre-les-papillomavirus-elargissement-de-la-cohorte-de-rattrapage-vaccinal-chez-les-hommes-et-les-femmes-jusqu-a-26-ans-revolus?

www.has-sante.fr/jcms/p_3419288/fr/notification-des-ist-aux-partenaires-des-recommandations-pour-interrompre-la-chaine-de-transmission?

https://ressource.sos-homophobie.org/Ressources/enquete_sur_la_visibilite_des_lesbiennes_et_la_lesbophobie_2015.pdf

https://www.sidaction.org/transversal/femmesqui-ont-des-rapports-sexuels-avec-des-femmes-un-angle-mort-de-lalutte-contre-lepidemie-a-vih/

https://www.enipse.fr/tomber-la-culotte-2025/

https://www.ameli.fr/paris/sage-femme/exercice-liberal/presciption-prise-charge/regles-exercice-formalites/depistage-et-traitement-des-ist

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