Edito Strobo #42 septembre/octobre 2025 : vous avez enfreint les règles de la communauté !

Franck Desbordes

Depuis quelques temps, les réseaux sociaux durcissent leurs règles pour soi-disant protéger les minorités, avec parfois pour conséquence l’effet inverse de l’objectif annoncé. Avec pour nous tou.te.s, la conséquence d’avoir l’obligation d’adoucir notre langage militant et nos plaidoyers pour ne pas être censuré.e.s par les plateformes. Sur Instagram et Facebook, nous utilisons tou.te.s des astérisques pour ne pas prendre de risques.

Cette censure touche aussi bien les sujets visant à faire bouger et réfléchir la société, parfois avec un ton volontairement militant, que les sujets politiques, et même la prévention VIH-Sida si le visuel très soft est celui de deux hommes torse nu… C’est la mésaventure que Strobo mag vit régulièrement dans le cadre des campagnes d’information de Sexosafe, un dispositif de Santé publique France. 

Notre page Strobo mag sur Facebook est d’ailleurs concernée depuis plusieurs mois. « Votre page est exposée à un risque pour « Non-respect des Standards de la communauté" ». Explication : « un(e) admin de la Page a partagé un contenu qui ne respecte pas nos Standards de la communauté sur la nudité et les actes sexuels d’adultes ». Pour résoudre manu-militari ce problème, Facebook nous propose de virer l’administrateur « fautif ». Mais il n’y a pas faute ! En cause, une photo très artistique datée de septembre 2024 de l’une de nos égéries : la journaliste Maïa Mazaurette entourée de quatre hommes nus. Le photographe Marc Martin a pourtant bien veillé à ce que RIEN ne soit visible, à part un bout de fesse … Pas de quoi retourner les grenouilles de bénitiers ! Le visuel est artistique et absolument pas pornographique, il est conforme aux règles de Facebook mais la sentence est tombée et aucune procédure en ligne ne nous permet de nous y opposer. 

Des artistes drag à l’humour un peu trash comme Lolla Wesh en font régulièrement les frais de la censure ou du shadowban aussi. Elle n’est évidemment pas la seule. La communauté Drag est particulièrement touchée. Les choses sont encore plus radicales quand nos minorités traitent de sujets politiques, comme récemment celui sur la Palestine (voir notre dossier « Pourquoi et comment les LGBTQ+ se mobilisent pour Gaza ? » dans ce numéro). Il suffit qu’une horde de petits fachos signalent en masse un post ou une page et sans se poser de questions, Instagram suspend définitivement les pages qui accumulent parfois plusieurs dizaines de milliers d’abonné.e.s et des années de travail, sans même chercher à connaître et prendre en compte la teneur des combats et débats qui animent nos communautés LGBTQ+. L’arbitrage est radical et souvent sans appel, non respectueux de l’esprit des lois françaises et du principe contradictoire. C’est ce qui vient d’arriver aux soirées techno Forensics et TechNoireParis, et à celle du Marché Drag. La conduite de tous les réseaux sociaux est bien souvent abusive en matière de régulation. Il faudra qu’un jour, le législateur français s’empare du sujet.

Depuis quelques années, avoir un site web était devenu has-been pour nombre d’activités culturelles ou commerçantes, et encore plus quand il s’agit de pages « personnelles ». Mais en donnant nos données à ces réseaux sociaux, nous prenons en fait des risques, surtout quand le boss vire nazi ou ultra-masculiniste … nous en devenons les otages. Nous nous sommes tou.te.s jeté.e.s dans la gueule du loup à l’époque sans trop imaginer la suite. Pour ces réseaux, nous ne sommes rien. Juste des données à vendre. Et peu importe le temps passé à investir dans une page. Une seconde suffira pour la censurer, l’effacer.

Il faut désormais établir des stratégies visant à ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, et inviter les abonné.e.s à consulter plus assidument nos sites web (comme strobomag.com), il y va de l’indépendance et de la liberté de nos minorités.

En attendant, Meta, X, et les autres ne cessent d’enfreindre NOS règles de la communauté LGBTQ+ : celles de l’empathie, de l’amour, celle du respect, du débat, du vivre-ensemble… de la démocratie en fait. 

Franck Desbordes, Directeur de la publication

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