Plusieurs centaines de personnes se sont réunies hier soir près du ministère de l'Education Nationale en mémoire de Caroline Grandjean-Paccoud, cette directrice d'école qui s'est donné la mort le 1er septembre dernier.

Tristesse et colère. Ce sont les deux émotions qui dominaient hier soir 5 septembre au “femmage” à Caroline Grandjean-Paccoud, cette directrice d’école qui s’est suicidée le jour de la rentrée, après avoir été victime de harcèlement lesbophobe.
Plusieurs centaines de personnes se sont réunies vers 18h30 à l’appel de plusieurs associations LGBT et d’associations lesbiennes à quelques encablures du ministère de l’Education Nationale, à l’angle de la rue de Grenelle et de la rue Saint Simon. On a pu apercevoir plusieurs élu.es, dont la maire du Xème arrondissement, Alexandra Cordebard, ou les députées Sandrine Rousseau (EELV) et Clémence Guetté (LFI). Jean-Marc Berthon, ambassadeur pour les droits LGBT+ était également présent.
Une lettre de l'épouse de Caroline Grandjean
Les militantes ont d’abord lu une lettre de Christine, l’épouse de Caroline Grandjean-Paccoud. Une missive bouleversante qu’elle adresse à sa femme. « On avait juste besoin de nous pour être heureuses. On aimait notre lien, on aimait partager notre bonheur, notre essentiel. Ton rêve, notre rêve de vivre dans ce beau Cantal, s’est transformé en cauchemar.», écrit-elle. «Tu étais une personne qui aimait la justice. Tu étais sensible, respectueuse. Ta confiance, tu ne la donnais pas à n’importe qui. Tu savais l’offrir aux enfants et eux savaient te la rendre. Comment expliquer à ces enfants que des adultes, par leurs actes, par leurs mots, par leur stupidité aient pu te tuer. Car, oui, ils t’ont tuée.»

Christine Grandjean-Paccoud lance ensuite à celles et ceux qui entendront ses mots : « n’ignorez jamais la souffrance des personnes autour de vous. Parlez avec eux, communiquez avec eux, ne fermez pas les yeux, écoutez-les, entendez-les. Un sourire peut cacher tellement de souffrance. Faites ce que vous pouvez avec qui vous êtes. Tendez-vos mains vers les autres.»
L’épouse de la directrice d’école termine en s’adressant à sa femme : « Caro, mon amour, merci pour toutes ces belles années de bonheur. Tu es et resteras l’amour de ma vie et grâce à cet amour que je me battrai pour que tu ne sois pas partie pour rien. Ton sourire était le plus beau des sourires. Tu es ma force et tu resteras ma force. Aide moi de là-haut. Je t’aime.»
Un cas loin d'être isolé
Lors des prises de paroles qui se sont succédées, plusieurs intervenantes ont souligné la responsabilité du ministère de l’Education Nationale dans le drame qui s’est produit il y a quelques jours. “On a maintenant bien compris qu’il fallait protéger les élèves du harcèlement lgbtphobe. Pourquoi ne le fait-on pas à l’égard des personnels éducatifs ?”, s’est ainsi indignée Julia Torlet, présidente de SOS homophobie (ci-dessous), elle-même enseignante. Car ce qu’a vécu Caroline Grandjean-Paccoud est loin d’être une exception. Une directrice d’école a également témoigné des regards en coin qu’elle surpend parfois ou des rumeurs qu’on lui rapporte parce qu’elle est ouvertement lesbienne. Silvia Casalino, de l'European Lesbian Conference, a souligné de son côté que la violence lesbophobe était le lot de nombreuses enseignantes dans l'Europe toute entière.

Le rassemblement s'est terminé par une minute de silence et le cri de quelques slogans, dont « Ministère mortifère, lesbiennes en colère.»
L'auteur des menaces n'a pas été retrouvé
Caroline Grandjean, 42 ans, était directrice d’école à Moussages, dans le département du Cantal. Elle était victime de harcèlement lesbophobe depuis deux ans. Des tags “sale gouine” et “gouine = pédophile” ont été tagués sur les murs de son école et elle a reçu une menace de mort. Ses plaintes auprès de la gendarmerie n’ont abouti à rien. Face à la situation, l’Education lui a proposé une mutation, avant de la lui imposer. Ce qu’elle a très mal pris et refusé. Pour alerter l’opinion et faire réagir sa hiérarchie, elle a raconté son calvaire dans une bd, Cas d'École, signée Remedium (voir des extraits sur BlueSky). En retour, l’Education Nationale a porté plainte pour diffamation. Après l'annonce du drame, Elisabeth Borne, ministre de l'Education Nationale a annoncé qu'elle saisissait l'inspection générale de l'Education Nationale. La personne qui l’a menacée et insultée n’a pour l’instant pas été retrouvée.

Photos : Xavier Héraud
Voir aussi l'article : une directrice d’école se suicide à la suite de menaces lesbophobes



