Le théâtre Clavel s’apprête à accueillir à partir du 31 octobre, une nouvelle production poignante, « À partir d'un rien… », une pièce écrite et mise en scène par Silas Van Asch et portée par deux acteurs : Yohann Lavéant et Nicolas Bouvre. Le public parisien pourra découvrir cette comédie qui explore la fin d’un amour, mais aussi la complexité de la communication, la vulnérabilité et la force insoupçonnée qui peuvent naître d’un rien.
Une pièce qui résonne comme un miroir
À partir d'un rien… raconte l’histoire de Mathieu et Jonas, un couple dont la relation s’érode sous le poids des non-dits, de la lassitude et des blessures enfouies. La pièce se déroule dans une chambre vidée de toute intimité, où autour d’un lit sans passion, de verres partagés et de silences lourds, ils rejouent leur histoire : les premières fois, les maladresses, les rires, les blessures qu’on tait. La mise en scène de Silas, fidèle à la simplicité du décor, met en avant la force des dialogues et la puissance des silences pour faire vibrer les émotions.
Ce qui frappe dès les premières minutes, c’est l’authenticité qui émane des acteurs. Yohann Lavéant confie : « j’ai immédiatement identifié mon personnage de Jonas dans sa façon de masquer ses émotions avec humour et cynisme. C’est très proche de ma propre manière de m’exprimer ». La vulnérabilité de Jonas, oscillant entre impulsivité et douleur, apparaît donc comme une projection sincère, notamment grâce à la méthode de travail fine de Yohann, qui joue sur les ruptures de ton, de silences et de changements de posture pour rendre cette complexité crédible et touchante.
De son côté, Nicolas Bouvre incarne Mathieu, un homme pris dans une dualité : vouloir préserver l’autre ou exploser sous la pression. « J’ai été moi-même en pleine rupture lorsque nous avons commencé à travailler sur la pièce », confie-t-il. « Cela m’a permis de puiser dans ma propre expérience pour donner de la sincérité à mon jeu. » Leur complicité, forgée sur 25 ans d’amitié, transparaît sur scène, renforçant la tension palpable dans chaque échange.
Une mise en abîme à la fois brute et sensible
Les dialogues, souvent cruels ou directs, sont traités avec une authenticité qui évite la caricature. Yohann Lavéant explique : « on a travaillé avec Silas en réécriture et en improvisation pour que chaque réplique, même vulgaire, reste sincère et révèle la douleur sous-jacente ». La pièce est construite comme un duel de ressentiments, où la tension est maintenue par la spontanéité et la justesse des échanges.
Un moment phare, la scène où Yohann chante et danse sur When I’m gone, est une véritable catharsis. « Je connaissais cette chanson, c’était comme un jeu d’apéro pour moi », raconte-t-il. « Mais en y intégrant le contexte de la pièce, elle devient un symbole de mémoire et de douleur, un moment de libération. »
Le travail sur cette scène est tout aussi intense. Nicolas évoque une scène de « lâcher prise », où émotions et vérités éclatent. « L’objectif était de rester juste, de ne pas tomber dans le pathos, de montrer comment on peut être débordé d’émotions sans crier ou pleurer à chaudes larmes. » Le résultat promet une fin forte, mais encore tenue secrète pour préserver la surprise.
Une critique lucide mais émouvante
À partir d'un rien… se distingue par sa capacité à mêler drame et humour, à rendre universels des sentiments souvent tabous ou difficiles à exprimer. La pièce ne cherche pas à offrir des réponses, mais plutôt à montrer la complexité de l’amour, de la rupture, et de la reconstruction.
Cependant, certains pourraient critiquer la tonalité parfois trop intime, risquant de perdre un spectateur moins habitué à cette vulnérabilité. La mise en scène minimaliste, si elle sert la sincérité, pourrait aussi laisser certains en demande d’un peu plus de relief ou de contexte. Ces partis pris sont une volonté assumée par le metteur en scène. Epurer pour aller à l’essentiel.
Dès le 31 octobre 2025, le théâtre Clavel offre une occasion rare d’assister à une pièce qui, par sa simplicité et sa justesse, promet de toucher en plein cœur. À partir d'un rien… n’est pas seulement une histoire de rupture : c’est une leçon d’humanité, une exploration de nos propres fragilités, façonnées par la vie et l’amour. À voir absolument pour quiconque souhaite réfléchir, rire ou pleurer devant la vérité brute de nos émotions. Cette relation, à n’en pas douter, laissera son empreinte, et peut-être, comme ses acteurs le disent si bien, « nous fera tout simplement tout remettre en question ».
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Des mots sur les maux
Silas Van Asch n’en est pas à son coup d’essai. Avec A partir d’un rien…, il fouille les recoins la vie d’un couple, les fractures du temps et montre les dégâts que l’usure peut faire surgir un beau jour. Pour mieux comprendre la genèse de cette comédie dramatique, il nous expose sa démarche créative.
Pouvez-vous nous parler de l’origine de cette pièce ?
Quelles ont été vos inspirations pour explorer le thème de la rupture à travers ce format ?
Cette pièce est la suite d’une première pièce : A Partir D’un SMS… qui explorait toutes les grandes étapes de vie d’un couple, de la rencontre à l’après par le biais des pensées des protagonistes. Cette technique nous plongeait dans les questionnements les plus intimes que peuvent être les doutes, les désirs, les craintes que l’on peut ressentir au fur et à mesure que la relation amoureuse prend vie. La seule scène qui n’apparaissait pas était celle de la rupture. Étape où tous les faux semblants se brisent et où la pensée laisse place à un véritable dialogue. Comme si une dernière fois on devait tout se dire, être soi pour se défaire du couple que l’on a été.
Le temps a passé après cette première pièce et les histoires personnelles se sont cumulées. Ou plutôt les ruptures. Et l’idée d’explorer cette étape est devenue essentielle afin de comprendre les mécanismes que l’on imagine uniques mais qui sont en réalité quasiment identiques…
La pièce alterne des scènes très réalistes, parfois brutales, avec des moments presque intimes et vulnérables. Comment avez-vous travaillé la dynamique entre ces registres ?
En pensant aux spectateurs [rires]. À les ménager et leur offrir des respirations. En apportant de l’humour et quelques moments de légèreté, j’ai aussi voulu montrer que lors d’une rupture on a ce désir de partager une dernière fois de manière viscérale avec l’autre tout ce qui a fait la relation : rires, larmes, confessions, coups bas. Revivre tout intensément pour mieux se dire adieu. C’est pour ça qu’il me semblait important de ne pas en faire seulement un drame mais une tranche de vie réelle avec ces joies, ces peines tout en ayant la volonté de ne jamais figer les personnages dans un seul registre. Même dans la violence, il peut y avoir une immense tendresse refoulée. Et dans les moments d’intimité, une dureté sous-jacente.
Pourquoi avoir choisi de structurer la pièce autour de dialogues aussi vifs, où chaque scène semble être un combat émotionnel ? Quelles intentions derrière cette forme ?
Dès lors que la personne décide de mettre en place une séparation et que les premiers mots sont exprimés à l’autre, un retour en arrière est quasi impossible. La bombe est lâchée et le minuteur se met en place et accélère. Chaque seconde impose une vérité. Il y a une forme d’urgence à vouloir se justifier après avoir trop longtemps cumulé des rancœurs et des silences. Et survient alors un sentiment de libération, de frénésie, comme si la carapace que l’on s’était forgée finit par exploser. On ne pense plus à l’autre, on réapprend à penser par soi et pour soi. C’est forcément violent, c’est forcément maladroit. Les dialogues vifs traduisent cette intensité, cette fatigue aussi : celle de ne plus savoir comment se parler autrement. Il était primordial d’apporter de la nostalgie et de la douceur pour contrebalancer avec la dureté d’une séparation. On ne peut pas détester une personne que l’on a aimé d’une seconde à l’autre. C’est pour ça que dans la pièce il y a de nombreuses respirations complices et mélancoliques.
La thématique de la communication, ou plutôt de la mauvaise communication, est centrale dans l’histoire. Quel message vouliez-vous faire passer sur la façon dont les couples se perdent ou se retrouvent dans le dialogue ?
(Il y a un dialogue qui pourrait résumer cela…
Jo : Tu ne m’écoutes pas ?
Mathieu : Mais si, je t’écoute. Redis ?
Jo : Pourquoi devrais-je répéter, si tu m’écoutais ?)
Vous n’aviez jamais remarqué que les grandes discussions en début de relation laissent place généralement à des échanges du quotidien banals. Où l’on finit par s’écouter mais ne plus s’entendre. Où l’on préfère s’abstenir de tout échange par peur de blesser, d’entrer en conflit. Peu à peu on se tait par peur de l’autre. On a tendance à penser que l’amour suffit, que le temps fera les choses. Or le problème est là. C’est à ce moment précisément que le fossé se creuse et que la distance se met en place. C’est un travail constant que d’instaurer un dialogue, par amour et volonté d’être avec la l’autre et non à côté ou contre l’autre.
La scène, avec la réconciliation possible ou la rupture définitive, est très puissante. Que vouliez-vous que le public reparte en pensant, en ressentant ?
Tout d’abord je tiens à préciser que cette scène dont vous avez eu connaissance n’est en aucun cas la scène finale, que je garde secrète pour la première. Plus généralement, il est vrai que mon désir est non pas de créer un nombre incalculable de séparations de nos spectateurs sur Paris, mais en réalité de les confronter à l’ambivalence de l’être humain. Celui qui reste, en étant malheureux, par crainte de tout perdre et l’idée de se dire que chaque jour que l’on vit est un jour qu’on ne vivra plus et qu’il faut parfois accepter qu’une histoire d’amour soit arrivée à son terme plutôt que de se détruire et se perdre.
En tant que metteur en scène, comment avez-vous travaillé avec les acteurs pour qu’ils incarnent cette complexité émotionnelle ? Quels conseils leur avez-vous donnés pour que chaque réplique résonne avec sincérité ?
Le premier travail à été de leur offrir le texte et qu’il se l’approprie. Lors de mon écriture, chaque dialogue était un pavé, construit avec des nombreux mots, adverbes, à la suite. L’idée au préalable est de proposer un large choix de signification à un dialogue pour que le comédien puisse en faire sien. Nous avons longuement affiné le texte, supprimé de nombreux blocs de tirades pour en tirer un ping-pong cohérent, fluide et qui puisse être en adéquation à la fois avec le rôle et surtout les comédiens. Connaissant Yohann et Nicolas depuis 25 ans cela a été facile de tirer le fil pour les amener à dévoiler tout ce qu’il fait qui ils sont au plus profond et j’espère que cela se retranscrira sur scène et que nous nous trouvons aux prémices d’une belle aventure.
A partir d’un rien… au théâtre Clavel, Paris, à partir du 31 octobre 2025, les vendredis à 19h30 et les dimanches à 16h
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Crédit photos Studio Maje