Le sexe lesbien, un nouveau regard sur soi

Garance Fragne

Plusieurs femmes lesbiennes, bisexuelles ou pansexuelles racontent la manière dont elles se perçoivent depuis qu’elles ont fait leur première fois avec une partenaire du même genre.

Pour Sophie*, faire l’amour avec une femme a été « un nouvel apprentissage » de la sexualité, du consentement, de son corps et de celui des autres. Avant, l’étudiante de 23 ans avait déjà eu des rapports sexuels avec un homme et avait « bizarrement » davantage peur d’être jugée par des femmes. « Je pensais qu’on scrutait plus nos défauts, qu’on se regardait de plus près. Mais au contraire, ça m’a déconstruit sur la grossophobie, les chattes (sic) différentes, les seins différents, les corps différents finalement. »
Maëlle Le Corre, journaliste et co-autrice de Gouines (Éd.Points), observe que lorsqu’une femme relationne sexuellement avec une autre, « un regard différent » se pose sur elle-même. Car le sexe lesbien « fait exploser ce schéma hétérosexuel défini en plusieurs actes : préliminaires, pénétration, orgasme - lorsqu’on a de la chance - éjaculation de l’homme et fin de l’histoire ». C’est ce qui est arrivé à Raphaëlle*, âgée de 25 ans, entourée au lycée principalement d’hommes, elle s’est construite sur leur vision de la sexualité et les injonctions qui vont de pair, comme l’épilation.  
Selon Maëlle Le Corre, ce regard sur soi évolue en partie car les femmes gagnent en autonomie sexuelle : elles apprennent à mieux se connaître, à mieux comprendre le fonctionnement de leur corps. « Sans repère, hormis via la culture pornographique mainstream où même quand il y a des relations entre meufs, le ‘vrai sexe’ démarre lorsqu’arrive l’homme, la sexualité lesbienne est au départ un saut dans l’inconnu », résume-t-elle. Un constat que partage Marie*, 25 ans, qui vit depuis presque un an sa première relation amoureuse avec une femme. Au début, sur le plan de la sexualité, la Rochelaise ne savait « rien du tout » et a appris au fur et à mesure à communiquer avec sa compagne.

Un regard plus doux sur soi

Quant à Maya*, 24 ans, l’amour lesbien lui permet d’avoir un regard sur elle-même beaucoup plus « doux » et « conciliant ». « Grâce à ses compliments, j’accepte mieux mon poids, des parties de mon corps comme mon ventre », confie l’assistante caméra qui vit à Paris. La journaliste Maëlle Le Corre observe que, souvent, relationner avec des femmes « permet de faire la paix avec son corps. Avoir des relations sexuelles avec des hommes cis hétérosexuels, c’est davantage s’exposer à des remarques sur nos formes, nos organes génitaux, notre pilosité… », liste-t-elle. 
Dans son livre À Nos désirs (Éd. La Déferlante), la journaliste Élodie Font, a recueilli plusieurs témoignages de femmes qui lui ont confié avoir « la sensation d’exister davantage dans le regard d’une femme que dans le regard d’un homme ». Même si l’experte note qu’il existe aussi chez les lesbiennes le stéréotype du corps parfait. « Le plus idéalisé, c’est le corps androgyne, popularisé par le personnage Shane dans la série The L Word », illustre-t-elle.  

Le sexe lesbien à l’assaut du sexisme

Raphaëlle confie d’ailleurs qu’elle compare « souvent » son corps à celui de ses partenaires. Qui est la plus grosse, la plus maigre, la plus lourde ? Et travaille aujourd’hui sur elle-même pour faire taire « la méchante voix dans (sa) tête » critiquant son corps. La vingtenaire se questionne aussi sur la façon dont sa masculinité et sa féminité sont perçues par ses partenaires. Parfois, elle va même jusqu’à censurer son côté féminin par peur de ne pas leur plaire entièrement.  
Élodie Font remarque que les femmes lesbiennes, bisexuelles ou pansexuelles qui se comparent ont souvent une importante différence d’âge avec leur partenaire. « Elles ont la sensation d’être face à un miroir déformant. » Une impression pouvant être liée à l’âgisme et au sexisme car « avant d’être une femme lesbienne, on est une femme ayant grandi dans cette idée de rivalité féminine ». D’autres s’interrogent sur la ressemblance potentielle de leur compagne avec leur mère et posent ainsi une nouvelle question : « quelle est la vision fantasmée que l’on a d’une femme et d’où vient-elle vraiment ? »

*les prénoms ont été modifiés afin de respecter l’anonymat des témoins

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