« Robert Badinter, pour la liberté d’aimer » : un livre pour l’Histoire

Xavier Héraud

Alors que Robert Badinter s’apprête à entrer au Panthéon, un livre du journaliste Dominique Thiéry vient rappeler son rôle dans la « dépénalisation » de l’homosexualité. Dans un long entretien, l’ancien avocat et homme politique revient en détail sur son engagement contre la répression des homosexuels. 

Robert Badinter entre au Panthéon le 9 octobre prochain. L’avocat et homme politique mort en 2024 sera bien sûr célébré pour son combat contre la peine de mort, qu’il a fait abolir en 1981 alors qu’il était Garde des Sceaux. Mais on se souviendra aussi qu’il a été l’un des artisans en 1982 de ce qu’on a appelé la « dépénalisation de l’homosexualité », à savoir l’abolition du dernier article du code pénal qui créait un délit spécifique pour les personnes de même sexe. 

Pour l’occasion, le journaliste Dominique Thiéry publie un entretien avec l’ancien Garde des Sceaux, réalisé en 2020, dans lequel ce dernier revient longuement sur son engagement contre la répression de l’homosexualité et en particulier sur le vote en 1982.  Au cours de cette conversation de deux heures, qui tient sur une quarantaine de pages, l’avocat et homme politique revient d’abord sur son rapport à l’homosexualité et aux homosexuels, avec qui assure-t-il il n’avait aucun problème.  

Puis il raconte comment à travers son travail d’avocat, qui l’a amené à défendre des hommes poursuivis au titre des dispositions légales héritées de Vichy et confirmées plus tard, notamment en 1960, avec l’amendement Mirguet, il s’est sensibilisé à la question de la répression de l’homosexualité. Lui qu’on sait si sensible aux injustices de ce monde en a reconnu une, criante. D’ailleurs, souligne-t-il : « ce délit d’homosexualité était utilisé non pas tant pour poursuivre les homosexuels directement — 150 poursuites par an —, que pour favoriser les chantages : il était récupéré par la délinquance, le proxénétisme et ces jeunes gens qui faisaient le tapin. » 

Une large partie de l’entretien est évidemment consacrée au vote de 1982 : comment il a été préparé, l’attitude de l’opposition, etc.. Il s'exprime aussi sur son célèbre discours prononcé lors du vote à l’Assemblée Nationale, qui contient cette phrase passée à la postérité : « il n’est que temps de prendre conscience de tout ce que la France doit aux homosexuels, comme à tous ses autres citoyens dans tant de domaines. » Le discours est publié en intégralité après l’entretien. 

Dominique Thiéry interroge également Robert Badinter sur les combats plus récents. De tous ces sujets, la question du mariage traduit sans doute le plus son âge. L’ancien homme politique, né en 1928, a du mal à décorréler l’institution républicaine de son pendant religieux, sans pour autant en faire en dogme et s’opposer à la mesure.  Il se dit également favorable à la PMA et à la GPA, dans certaines conditions.  

Robert Badinter évoque enfin son engagement pour une dépénalisation universelle de l’homosexualité. Et c’est à ce moment-l que sa légendaire capacité d’indignation ressurgit : « quand on fouette au Pakistan, et je connais les fouets de l’armée pakistanaise qui sortent tout droit de la colonisation et qui démolissent la colonne vertébrale, ou quand on pend en Iran des homos, c’est insupportable. Comment admettre ces traitements barbares ? ». Il reproche d’ailleurs au passage aux homos occidentaux de ne pas être assez solidaires de leurs adelphes qui subissent la répression. Un livre pour l’Histoire donc, mais aussi pour le présent. 

    Robert Badinter, pour la liberté d’aimer de Dominique Thiéry, Éditions La Sirène 100 pages, 10€. En librairie le 3 octobre 2025

Photo : Xavier Héraud

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