680 m², dont 120 m² de parties communes, et 230 m² de jardin. La première maison de la diversité ouvre ses portes à Lyon. Entretien avec Stéphane Sauvé, le porteur de projet, au nom de l’association Les audacieuses et les audacieux.
C'est fait ! La première Maison de la Diversité, portée par l'association Les audacieuses et les audacieux a ouverte ses portes à Lyon dans le quartier de la Croix-Rousse. Stéphane Sauvé, délégué général de l'association revient sur la création de ce lieu encore unique en France et des projets de l'association, qui compte bien ouvrir d'autres maisons dans toute la France.
Alors que s’ouvre la première Maison de la Diversité à Lyon, comment vous sentez-vous ?
Stéphane Sauvé : C’est compliqué, parce qu’il y a beaucoup de travail, beaucoup d’aléas. On a été livrés relativement tard. On a eu les espaces de vie partagés le 23 septembre, donc il y a 15 jours. Tous les habitants ont reçu leurs clés lundi dernier, le 29. Et ils sont rentrés au fur et à mesure la semaine dernière. Et quand tu emménages, tu te rends compte que là, il y a une petite fuite d’eau, là, il y a une chasse d’eau qui ne marche pas, les aléas qui sont inhérents à toute livraison, donc ça fait qu’il y a quand même pas mal de stress. Il y a de l’excitation, de la fatigue aussi forcément, parce que c’est un déménagement, et là, il y a 15 déménagements.
Et en tant que porteur de projet, c’est un aboutissement. C’est quand même sept ans de travail. Il y a eu des hauts et des bas. C’est un réel parcours du combattant, c’est des montagnes russes, des émotions, de la motivation, sans parler de notre santé mentale à toute l’équipe, parce qu’il y a plein de choses à faire. Les gens pensent qu’on est structurés comme si on était dans une grande entreprise, et nous ne sommes que quatre couteaux suisses. Heureusement, il y a des bénévoles et des adhérents. On a eu des accompagnements aussi en mécénat de compétences, donc on peut être fiers de ce qu’on a fait, mais ce n’est pas de tout repos.
Comment ça fonctionne, une Maison de la Diversité ? Qui peut y entrer ?
Le point de départ, c’est qu’il faut être adhérent de l’association. Pour écarter les homophobes ou sérophobes, etc. Après, on ne demande pas le pedigree à l’entrée. Ça se fait assez naturellement. Il y a notamment les hétéros qui font leur coming out hétéro en disant : « Non, non, mais moi, je suis hétéro ! » Ça, c’est assez amusant. Pour vivre dans la Maison de la Diversité, dans le projet de vie sociale et partagée qui a été écrit et co-construit avec les habitants, il y a eu un souhait de ne pas avoir d’enfants ou d’ados à charge. Donc c’est réservé aux plus de 55 ans. Ça, c’est plutôt bien, parce que ça permet d’avoir une diversité dans les âges et, du coup, de ne pas avoir que des personnes qui rentrent à 65-70 ans et, dix ans après, qui en ont 75-80, et de faire un pré-EHPAD. L’objectif, c’est vraiment que le groupe puisse s’organiser pour co-gérer le plus longtemps possible la maison et trouver une implication dans la gestion, et ce indépendamment de ses capacités.
À Lyon, il n’y a qu’un seul appartement pour jeunes ou étudiants. L’idée, c’est véritablement sur les prochaines d’en avoir aussi plus qu’un seul logement. Là, le foncier de Lyon était assez contraint, donc la priorité étant donnée aux personnes de plus de 55 ans, on n’a qu’un seul logement jeune.
Quel est le profil des résidents ?
Les cohabitants aujourd’hui ont entre 55 et 76 ans, pour être très précis. On en a 5 qui ont moins de 60 ans, qui ont entre 60 et 62 ans, et il y en a 4 qui ont plus de 70 ans. Il y a un tout petit peu moins d’hommes. Donc, on a des hommes, des femmes, deux personnes trans et une personne qui se définit comme non-binaire.
Il y a aussi une personne salariée dans la maison. Quel est son rôle ?
Baptiste est le responsable de maison. Son rôle, c’est de garantir le cadre dans lequel le projet de vie sociale et partagée, qui a été imaginé, va pouvoir se réaliser. Ce n’est pas lui qui va faire. Si c’était une résidence service lambda, Baptiste aurait à faire un programme d’animation et à aller chercher le partenaire pour faire une activité X et puis, le lendemain, une activité Y. Ce n’est pas du tout ça. Baptiste, son rôle, ça va être d’être support. Si les adhérents sont en difficulté, par exemple, ils se disent : « Tiens, on aimerait bien organiser pour la fête des voisins une représentation, est-ce que vous pouvez nous aider à faire une affiche, à la publier sur les réseaux sociaux, ou à nous aider à monter un dossier de financement ? » Au départ de l’aventure, c’est l’association qui menait, qui construisait la maison, qui aidait à recruter les futurs cohabitants ; là, c’est l’inverse : ce sont les cohabitants qui vivent, et, si besoin, l’association va être support à la vie des cohabitants s’ils expriment une difficulté.
Sa deuxième mission, c’est de faire rayonner la maison à l’extérieur, c’est-à-dire d’ouvrir les portes pour qu’il y ait des partenariats pour simplifier la vie des habitants. Par exemple, la maison, à la base, est pour seniors autonomes ou faiblement fragilisés. Pour vieillir, il y en a qui vont être concernés ou pas par une perte d’autonomie partielle ou définitive. Comment on s’adapte à ça ? Comme tout Français et toute Française, on a la possibilité aujourd’hui d’avoir des aides à domicile, des soins à domicile, de l’hospitalisation à domicile, des soins palliatifs à domicile. Et donc, le rôle de Baptiste va être aussi de dire : « Nous, on a présélectionné pour vous ce service d’aide à domicile ou une assurance logement ; vous n’avez aucune obligation de faire un partenariat, de choisir ceci, mais si vous prenez avec lui, vous avez 15 %. » Là encore, sans que ce soit obligatoire. Et le partenaire, on va le sensibiliser au fait qu’on est dans une Maison de la Diversité. Donc, si tu es plombier, ou que tu es aide-soignant, ou que tu es infirmier, ou que tu es kiné, que tu rentres chez un monsieur et que tu vois le calendrier des Dieux du Stade avec des mecs à poil, tout est ok, il n’y a pas de surprise ou de propos qui pourraient être déplacés et qui pourraient rendre mal à l’aise le partenaire ou le bénéficiaire.
Maintenant que la maison de Lyon est ouverte, qu’en est-il de la suite ?
On a trois fonciers qui ont été identifiés par des collectivités territoriales. Un sur Strasbourg, qui a été identifié et mis à disposition par la ville. Un sur Toulouse, pareil, par la ville. Et un sur Vence, à côté de Nice, identifié par le département. Aujourd’hui, la piste la plus avancée, en tout cas la motivation des partenaires qui se sent la plus palpable, c’est Strasbourg. Donc, théoriquement, la deuxième maison, c’est Strasbourg. Avec l’équipe, on va là où la motivation est la plus forte et où le chemin est pour nous le plus simple. Est-ce que le modèle sera le même ? Les principes fondamentaux, l’ADN de la Maison de la Diversité, restent les mêmes. Les différences vont être liées au foncier, au groupe des cohabitants et vont être liées aussi à la modélisation économique du projet, en fonction des envies et des modèles économiques des parties prenantes. Le modèle économique de Lyon, c’est celui de Lyon : il peut être duplicable ou pas. Nous sommes en train de réfléchir à d’autres modèles.
Sur Strasbourg, il y aura une spécificité, qui n’est pas encore complètement validée, mais qu’on aimerait vraiment pousser. La Maison de la Diversité aujourd’hui, à Lyon, est destinée aux personnes âgées, autonomes ou faiblement dépendantes. Dans le projet de vie sociale et partagée, on s’est dit : qu’est-ce qui se passe s’il y a une perte d’autonomie ou s’il y a même une maladie évolutive avec des troubles du comportement, etc. ? Donc, en fait, on s’est dit : quand est-ce que je peux rester tout le temps, jusqu’au bout, jusqu’à la fin ? Donc ça, c’est le groupe et la personne qui vont le décider. Mais aujourd’hui, si j’ai besoin d’oxygénothérapie ou si j’ai des troubles sévères, des maladies comme Alzheimer, ça va être compliqué. Donc, l’idée, ce serait à Strasbourg d’avoir un étage dédié dans la maison, qui serait médicalisé pour pouvoir accompagner. Là, on n’a pas pu, parce que le foncier était trop contraint. Donc, du coup, pour les personnes de Lyon qui y seront confrontées, on fera des partenariats plutôt avec les EHPAD locaux et on ira former ces EHPAD pour les rendre inclusifs et pour que le lien, la proximité qui a pu se créer dans la maison, soit maintenu.
Photos : Fournies par Stéphane Sauvé