Disparition de Stéphane Corbin, un « militant exigeant et méticuleux » des causes LGBTI+

Xavier Héraud

Infatigable défenseur des droits LGBTI, homme de convictions et de bienveillance, Stéphane Corbin s’est éteint à 61 ans. À Angers, à Montpellier et ailleurs, celles et ceux qui ont croisé sa route saluent aujourd’hui un militant exigeant, juste et profondément humain.

Sur les réseaux sociaux, l’association Quazar a ajouté un bandeau noir à son logo. Le Centre LGBT angevin pleure l’un de ses militants historiques, Stéphane Corbin, disparu lundi 27 octobre, à l’âge de 61 ans. Alors qu’il combattait un cancer du rein depuis huit ans, il a finalement été emporté par une dissection aortique.

Depuis près de trente ans, Stéphane Corbin était une figure majeure du militantisme LGBT, tant au niveau local que national. En dehors d’une parenthèse de près d’une dizaine d’années à Montpellier au début des années 2000, c’est à Angers qu’il a passé l’essentiel de sa vie — et de sa vie militante. Il était investi depuis de nombreuses années au sein de Quazar, la principale association LGBT de la ville. Il l’a présidée à deux reprises : la première de 2008 à 2013, puis de 2020 à 2023. Il en a également été salarié, au poste de coordinateur.

Il était aussi engagé au niveau national, au sein de la Coordination InterPride France (CIF), puis de la Fédération LGBTI, deux interassociatives qu’il a présidées. Il militait également au Ravad depuis sa création, où il a notamment occupé le poste de trésorier.

Hommages dans le milieu militant
L’annonce de son décès a suscité une vive émotion dans les milieux militants LGBTI+. Quazar salue ainsi la mémoire d’un “pilier” de l’association. Au Mans, l’association Homogène déplore la mort d’« un grand nom du militantisme »« son engagement et son savoir ont inspiré beaucoup d’entre nous. Par sa présence, ses actions et son humanité, il a su rassembler, éveiller les consciences et faire avancer les choses, pas à pas, avec courage et détermination. Il laisse derrière lui une communauté endeuillée, mais aussi profondément reconnaissante. »

L’association Nos Couleurs, le Centre LGBT+ des Landes, a publié le message suivant : « pendant des années, Stéphane a consacré son énergie, son intelligence et son humanité à la défense des droits et de la dignité de toutes et tous. Juriste pugnace, doté d’une rare pertinence d’analyse, il a su mettre ses compétences au service des causes qui lui tenaient à cœur, avec une rigueur et un engagement exemplaires. »

L’association Stop Homophobie rappelle que Stéphane Corbin« a pris part à plusieurs procédures et actions collectives face aux discours et violences anti-LGBTI+, toujours guidé par un profond sens de la justice, de la dignité humaine et du respect des personnes ».

Pour le Centre LGBTI de Lyon, Stéphane Corbin restera comme « un combattant farouche des droits humains ». La structure a décidé par ailleurs de donner le nom du militant à sa bibliothèque. 

Vincent Autin, président d’honneur de Fierté Montpellier Pride, l’a côtoyé à partir de la fin des années 2000 au sein de la Coordination InterPride : « on était souvent en opposition. On a eu des foires d'empoigne parfois dures. Mais on savait, l’un et l’autre, qu’on avait le même objectif : l’intérêt général de nos communautés. » « C’était un militant méticuleux et exigeant, avec lui-même comme avec les autres », confirme le sénateur Hussein Bourgi, dont il était proche. Il donne un exemple :  « au Ravad, il a suivi les formations, et c’était l’une des personnes les plus performantes en matière d’accueil et d’accompagnement, alors qu’il n’avait aucune formation juridique », souligne l’élu socialiste.

Journaliste pour la presse locale et pour « Têtu »
En dehors de sa vie militante, Stéphane a mené une carrière dans la presse, comme le rappelle Le Courrier de l’Ouest : « ceux qui ont connu Angers 101 puis Fréquence 1, dans les années 1980-1990, se souviendront de Stéphane Corbin dans ses jeunes années. Il fut l’animateur de nombreuses émissions de la radio locale généraliste du Courrier de l’Ouest. Plus tard, cruciverbiste de talent, il permit aux lecteurs du quotidien régional de passer des heures à résoudre ses mots fléchés. » Au début des années 2000, il fut également le correspondant à Montpellier pour Têtu.

Hussein Bourgi a rencontré Stéphane Corbin lors de sa période montpelliéraine, et tous deux sont rapidement devenus amis. Une période où l’Angevin ne militait pas officiellement, mais restait proche des associations. « Ce qui était très amusant, c’est qu’il ne souhaitait adhérer à aucune association, invoquant des raisons déontologiques. Mais dès qu’une association organisait quelque chose, il était présent — en tant que journaliste ou à titre personnel. Et s’il voyait qu’elle était un peu en retard, c’était toujours l’un des premiers à mettre la main à la pâte. »

Une foi vécue pleinement
Un dernier aspect, plus privé : Stéphane Corbin vivait aussi pleinement sa foi catholique. « Stéphane s'est beaucoup impliqué dans une église qui s'appelle la paroisse Saint-Roch de Montpellier, se souvient Hussein Bourgi. Là-bas, il y avait essentiellement une équipe de paroissiens vieillissants, et il a complètement révolutionné et modernisé la communication de la paroisse. » Pour rendre service et accueillir les pèlerins de passage, Stéphane a même vécu un temps, avec son compagnon de l’époque, dans les locaux du presbytère — avec la bénédiction du prêtre de la paroisse.

Lorsque le miltiant a rencontré Joël lors d’un séjour à Angers et qu’il est reparti dans sa ville natale pour vivre pleinement sa nouvelle relation, les deux hommes sont restés en contact et ont partagé de nombreux combats. 

Malgré son cancer — dont il parlait sans fausse pudeur —  Stéphane Corbin a continué à militer jusqu’au bout. Récemment, il avait quitté son poste de coordinateur à Quazar pour devenir salarié de la Fédération LGBTI.  Au téléphone, Vincent Autin regrette qu’il faille souvent attendre le décès d’un.e militant.e pour « se rendre compte à quel point ils ont été importants ». Le décès de Stéphane Corbin, très attaché au travail de mémoire, pourra peut-être amorcer une réflexion dans ce sens.  

Obsèques et hommages
Ses obsèques auront lieu vendredi 31 octobre 2025 à 14h, à l’église Saint-Martin-des-Champs d’Angers. Le même jour, à 16 h, se tiendra une cérémonie civile à la salle des Cyprès des pompes funèbres Settimio Tombini à Avrillé. Pour celle-ci, Pride Angers invite les participants à porter les couleurs du drapeau arc-en-ciel. L’enterrement aura lieu lundi à 10 h 30 au cimetière de l’Est à Angers.

Des hommages militants lui seront rendus à Paris, Montpellier et Angers. Les lieux et les dates de ces rassemblements seront communiqués ultérieurement.

Photos : Pride Angers 2023. Xavier Héraud. 

 

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