Après avoir conquis le public et décroché un César avec son court-métrage « L’Attente », Alice Douard revient le 19 novembre 2025 avec son premier long-métrage « Des preuves d’amour », une œuvre sensible et engagée qui explore la maternité, l’amour et la reconnaissance dans le contexte encore fragile de la parentalité lesbienne en France. Présenté à la Semaine de la Critique, ce film incarne la volonté de sa réalisatrice de donner à voir un regard sincère, autant intime qu’universel.
L’histoire tourne autour de Céline (Ella Rumpf), qui attend l’arrivée de son premier enfant… mais sans être enceinte. C’est Nadia (Monia Chokri), sa compagne, qui portera leur fille dans cette période où la société, la loi et la famille se croisent et se confrontent. Elle doit ainsi constituer un dossier de reconnaissance pour prouver son lien avec l’enfant, face à des démarches administratives lourdes et un regard social souvent perplexe. La scénariste et réalisatrice, qui s’est beaucoup documentée et a rencontré des couples similaires, situe son récit durant une période de transition législative : en 2014, la loi Taubira ouvre la voie au mariage et à l’adoption pour les couples de même sexe, mais la mise en place concrète reste incertaine, labyrinthique et parfois désespérante.
Ce parcours difficile ne prive pas le film d’une note d’optimisme, bien au contraire. Alice Douard mêle habilement le monde politique, intime et musical, en utilisant chaque scène pour souligner la complexité émotionnelle du processus tout en célébrant la vitalité du désir et de la transmission. La bande sonore, composée de morceaux électro, pop et classiques, participe à cette volonté de faire du film une œuvre pop, humaine, et enlevée.
La narration privilégie la délicatesse et la patience, évitant tout recours au spectacle ou au pathos. La réalisatrice filme en douceur chaque étape, chaque échange, chaque regard, et choisit de laisser une part d’indéterminé dans la rencontre entre Céline et sa famille, notamment lors de la scène où sa mère, marginale en apparence et pourtant centrale, écrit une lettre sans fioritures, simplement avec la musique de Beethoven en fond. Une manière pour Douard de montrer que la filiation ne se résume pas à un acte juridique, mais qu’elle s’inscrit dans la durée et dans les gestes du quotidien.
Le féminisme de Des preuves d’amour se lit dans cette quête d’inclusion, mais aussi dans la représentation des femmes comme acteurs de leur destin. Au fil du film, Céline, Nadia, Marguerite (Noémie Lvovsky), chacune explore sa propre conception de la maternité, de la liberté, et de la place qu’elles occupent dans un monde encore en apprentissage. La musique, de la techno entraînante à la poésie du classique, accompagne leur cheminement, symbolisant la diversité des modes d’amour et de création de famille.
Avec sa mise en scène fluide, la photographie précise et un sens aigu du rythme, Alice Douard a su faire de Des preuves d’amour un film aussi poétique que politique, à la fois réflexif et fédérateur. Plus qu’un simple film sur l’homoparentalité, il célèbre la persistance de l’amour contre l’adversité, la magie des gestes simples et la complexité des parcours individuels dans une société en mutation. Un rendez-vous cinématographique à ne pas manquer, qui témoigne qu’au-delà des lois et des formes, ce qui prime, c’est le lien humain, fragile mais tenace. Alice Douard célèbre la vie, la famille et la légitimité dans un récit profondément humain. A voir !
