Les Coqs Festifs, plus qu’un club de rugby

Julien Claudé-Pénégry

Paris, 2006. Un petit groupe de copains enfile ses crampons avec une idée simple : jouer au rugby autrement. Certains sont gays, quelques-uns hétéros. Les autres ? On ne leur pas demandé. Mais tous partagent le goût du ballon et une certitude : sur le terrain, chacun doit pouvoir être soi-même

À l’époque, dans bien des clubs, la différence se paie cher : mots en trop, regards gênés, harcèlement ordinaire. Eux décident d’en faire une force : créer leur propre équipe qui deviendra « Les Coqs Festifs », une safe zone joyeuse et inclusive, où l’on joue ensemble sans devoir rentrer dans le moule.

Au départ, il n’y avait rien ou presque. Pas de terrain, pas de maillots, pas de budget. Juste des ballons, des bouts de pelouse récupérés en fin de journée, et une énergie contagieuse. Mais il y avait surtout une idée forte : faire du rugby un espace d’ouverture. Petit à petit, la bande s’agrandit. Des joueuses et joueurs aux parcours variés rejoignent l’aventure. Ce qui n’était qu’un groupe d’amis devient une véritable communauté où chacun a sa place, quel que soit son âge, son niveau ou son histoire.
Ici, l’inclusion n’est pas un mot qui sonne creux. C’est une pratique quotidienne. Certains viennent pour la compétition, d’autres pour retrouver confiance, reprendre goût au sport ou simplement appartenir à un collectif bienveillant. Les entraînements sont exigeants mais joyeux : on apprend, on rit, on progresse. L’esprit est clair : mixité, entraide, respect et plaisir de jouer.
Dix-neuf ans plus tard, Les Coqs Festifs ont bien grandi sans rien perdre de leur flamme. Plus de 150 membres, deux équipes — la Team bleue et la Team rouge —, trois entraînements par semaine, jusqu’à huit coachs, une armée de supporters et bénévoles. Des matchs à travers l’Europe, des rires, des bleus, des troisièmes mi-temps interminables. Ici, le rugby est bien plus qu’un sport : c’est une façon de se rencontrer, de se dépasser, de s’affirmer. Un terrain où tomber et se relever ensemble.
Cette énergie fédératrice a fait du club une référence. Les Coqs Festifs sont la première association LGBT+ officiellement reconnue et soutenue par la Ligue Nationale de Rugby, la Fédération Française de Rugby et World Rugby. Une reconnaissance rare qui souligne leur rôle pionnier : prouver que le rugby peut être à la fois intense, exigeant… et inclusif.
Mais au-delà des labels, Les Coqs Festifs incarnent surtout une idée : quand les portes ne s’ouvrent pas, on construit son propre terrain. Et on y joue, ensemble, fièrement, en regardant droit devant.

Maïa Mazaurette chausse les Coqs Festifs

En 2016, Les Coqs Festifs veulent se réinventer : dix ans qu’ils envoient du jeu. Dix ans que la fête fait partie du plan de match. Alors, pour cet anniversaire, ils cherchent une idée simple, joyeuse et qui claque. Pour Noël, ils imaginent une paire de chaussettes, un accessoire modeste mais chargé d’un imaginaire fort… et plein d’humour. Le succès de cette première initiative s’est transformé en véritable rituel : une campagne attendue, créative et fièrement engagée. À chaque Noël, une paire unique, dessinée par un créateur LGBT+ ou allié, fabriquée en France, devient l’arme secrète pour financer leurs projets sportifs et inclusifs du club.
Pour la 10e édition de leurs chaussettes de Noël, Les Coqs Festifs ont décidé de frapper fort. L’invitée n’est autre que Maïa Mazaurette, journaliste, autrice et voix incontournable sur la sexualité, le consentement et le plaisir. L’idée a germé il y a plus d’un an, après que nos amis rugbymen découvrent une séance photo de Maïa signée Marc Martin dans Strobo. Un mail plus tard, elle dit oui. Mieux encore, elle embarque Marc Martin dans l’aventure.
« Nous adorons Maïa, son humour, sa clarté, son élégance. C’est une alliée puissante ! », confie Alban, président du club.
Le résultat : une paire de chaussettes manifeste. Sur l’avant, le coq symbole du club. À l’arrière, un cœur formé par deux ballons et la signature de Maïa. Les deux chaussettes sont volontairement dépareillées : sur l’une, le drapeau arc-en-ciel ; sur l’autre, celui de la communauté trans. Ensemble, elles forment une paire unie dans sa différence : un manifeste d’amour et d’inclusion à l’image des Coqs Festifs.
Pour incarner cette campagne, Marc Martin a signé un shooting dans les vestiaires du stade Pershing. Autour de Maïa, plusieurs membres du club, rejoints par le joueur professionnel Jérémy Clamy-Edroux et l’artiste Clément Legrand. « Poser nu aux côtés de Maïa pour célébrer la pluralité des corps et des parcours, je n’avais pas signé pour ça à la rentrée (rires) mais c’est du pur bonheur et en tant qu’allié, jouer et participer à cette action, c’est quelque chose de fort ! », déclare François, joueur chez les Coqs Festifs qui n’en revient toujours pas.  
Le lancement officiel des chaussettes aura lieu le vendredi 5 décembre. Elles seront vendues en ligne et une soirée de lancement est prévue au Cox dans le Marais à Paris, en présence de Maïa Mazaurette qui viendra les dédicacer. Fidèles à leurs valeurs, les Coqs Festifs reverseront 50 % des bénéfices du week-end à l’association Les Petits Bonheurs, engagée auprès des personnes vivant avec le VIH et isolées socialement.
Année après année, ces chaussettes voyagent loin : Royaume-Uni, Japon, Australie, Mexique, États-Unis… Elles portent avec elles un message simple : inclusion, liberté, fierté. « Chaque édition nous surprend, mais celle-ci a une résonance particulière », confie Alban. « Avec Maïa et Marc, nous célébrons une vision du sport ouverte, joyeuse et engagée. »
Une paire de chaussettes qui dépasse le vestiaire : c’est un symbole. Un petit morceau de tissu qui dit haut et fort que le rugby peut être aussi un espace d’amour, de lutte et de lumière.

Rugby Is My Pride : un essai transformé

Les Coqs Festifs l’ont vite compris : se dire club « inclusif » ne suffit pas, encore faut-il l’incarner. « Lutter contre l’homophobie en jouant au rugby, c’est bien. Mais on ne change pas les mentalités simplement en marquant des essais ou en arrivant à l’heure à l’entraînement », résume Alban, président du club. Les réunions sur l’inclusion qui font salle comble avec des gens déjà convaincus, c’est bien. Mais pour faire bouger les lignes, il faut aussi parler à ceux qui ne sont pas déjà acquis à la cause.
De là naît une stratégie d’action. Le club multiplie les collaborations, tisse des alliances et s’ouvre bien au-delà de ses propres vestiaires. Cette dynamique donne naissance à Rugby Is My Pride, le programme emblématique du club, créé il y a près de dix ans. Objectif : promouvoir la diversité et le vivre-ensemble par le sport, concrètement. Sous cette bannière, les Coqs Festifs travaillent avec la Ligue Nationale de Rugby (LNR) et la Fédération Française de Rugby (FFR), deux institutions qui ont intégré l’inclusion à leur stratégie nationale. Ensemble, ils produisent des campagnes, des contenus pédagogiques et des films. Moment fort : la diffusion en 2023 d’un film signé des Coqs Festifs sur les écrans géants du Stade de France, juste avant le coup d’envoi des matchs de la Coupe du monde. Des dizaines de milliers de spectateurs. Un message clair. Une visibilité rare et précieuse.
Mais l’action ne s’arrête pas aux grands stades. Rugby Is My Pride s’adresse aussi aux entreprises, aux écoles et aux associations. Le club anime des ateliers, débats et projections, souvent en partenariat avec ses sponsors. Les thèmes sont concrets : lutte contre les discriminations, confiance en soi, respect, place des minorités dans le sport collectif. Le rugby devient un outil d’inclusion et de pédagogie.
La collaboration avec Maïa Mazaurette et Marc Martin autour des chaussettes de Noël s’inscrit dans cette même logique. Derrière l’objet léger se cache un puissant vecteur de dialogue : parler de corps, de genre, d’amour et de fierté d’une manière accessible et populaire. « Maïa, par sa notoriété, nous permet de sortir de notre zone de confort. Elle parle à tout le monde de liberté, de consentement, de plaisir avec intelligence et humour. C’est exactement notre esprit », souligne Alban.
Sur le terrain comme ailleurs, cette stratégie a des effets tangibles. Elle soude les membres, renforce la confiance et ouvre des espaces d’expression. Des entraînements hebdomadaires aux grandes compétitions internationales comme l’Union Cup, en passant par leur char flamboyant à la Marche des Fiertés de l’été dernier, chaque événement devient une tribune.
La plus belle victoire des Coqs Festifs ne se mesure pas seulement en points. Elle se lit dans les regards, les récits, les mentalités qui bougent — doucement mais sûrement. C’est là que réside la véritable puissance de leur rugby : un sport qui unit, libère et fait avancer la société.

Les 20 ans des Coqs Festifs : plus haut, plus loin, plus vite
Chez les Coqs Festifs, le jeu ne s’arrête jamais vraiment. Tandis que l’automne s’installe et que décembre approche, le club garde son rythme intense : entraînements, matchs, tournois, soirées, actions d’inclusion. Plus d’une vingtaine d’événements sont déjà calés. Le moteur est lancé, la dynamique est là. L’équipe avance avec une même boussole : faire vivre un rugby synonyme d’ouverture, de partage et de créativité.
Mais en coulisses, un défi bien plus grand se prépare. La saison prochaine marquera les 20 ans du club. Deux décennies d’histoire à célébrer, mais surtout à réinventer. « Se renouveler, ce n’est jamais simple. Mais c’est notre challenge : jouer encore et toujours plus, surprendre, s’amuser, faire passer nos messages sans se répéter », confie Alban, président du club. Le projet s’annonce ambitieux : une programmation mêlant sport, culture et inclusion, à une échelle inédite pour l’association.
En attendant cette échéance symbolique, les chaussettes de Noël signées Maïa Mazaurette s’apprêtent à illuminer la fin d’année. Derrière ce simple accessoire se cache une passerelle : entre terrain et culture, entre jeu et engagement. Un fil rouge qui raconte ce que sont les Coqs Festifs : une communauté qui sait conjuguer humour, esthétique et conviction pour parler respect, corps et liberté.
Ce numéro de Strobo, qui met en lumière cette collaboration, raconte aussi cette évolution : celle d’un club passé, en dix-neuf ans, de quelques amis jouant sur des bouts de pelouse à une association reconnue, partenaire de la Ligue Nationale de Rugby, de la FFR et de World Rugby. Un parcours exemplaire… et surtout vivant. Car derrière la structure, il y a une équipe qui continue d’avancer sans perdre sa flamme.
Le message des Coqs Festifs dépasse largement le cadre sportif. Leur histoire prouve qu’un ballon peut être un outil de lien social. Qu’un vestiaire peut devenir un espace de confiance. Qu’une paire de chaussettes peut faire parler d’amour, de respect et de fierté. C’est là que réside leur vraie victoire : faire du rugby un miroir d’une société plus ouverte, plus joyeuse, plus juste.
Le compte à rebours vers les 20 ans est lancé. Et si les Coqs Festifs ont encore tant à raconter, c’est parce qu’ils continuent de jouer, ensemble, comme au premier jour.

Retrouvez les Coqs Festifs sur les réseaux sociaux @LesCoqsFestifs

• Lancement officiel des chaussettes de Noël : vendredi 5 décembre au Cox (Paris 4) avec Maïa Mazaurette  en dédicace + vente en ligne
• Les chaussettes seront également en vente au Cox jusqu’au 31 décembre.
Les chaussettes seront disponibles en 2 pointures : 36/41 et 42/47.

Crédit photos : Marc Martin

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