Chez Marc Martin, le sexe n’est pas un gros mot. Dans sa nouvelle exposition à Paris, l’artiste replace le corps au cœur des luttes et entend réconcilier la scène cuir et la scène queer
À l’heure des réseaux sociaux construits sur les valeurs puritaines des États-Unis, le photographe ose tout afficher et sortir du placard des archives disgraciées. Il interroge ainsi la notion de censure dans notre monde gorgé d’obscénité. Exposition « Mauvaises Vies ? » à partir du 6 novembre à la galerie Obsession (Paris 11) avec la contribution du Centre d’Archives LGBTQI+ de Paris et de la Collection Pierre Passebon.
Le photographe dialogue avec des archives en marge
L’année 2025 marque le 90ème anniversaire de la mort du docteur Magnus Hirschfeld, pionnier de l’émancipation homosexuelle et trans au début du XXème siècle. L’Institut de sexologie qu’il fonda à Berlin en 1919 abritait la première grande bibliothèque consacrée aux thématiques LGBTQI+. Elle a été détruite lors de l’autodafé du 10 mai 1933.
Le nouveau régime de la Maison Blanche s’emploie à effacer l’histoire LGBTQI+ des sites internet et bibliothèques relevant de l’État fédéral. L’historien Gérard Koskovich, cofondateur du centre d’archives et du musée LGBTQI+ de San Francisco, dénonce aujourd'hui « l’autodafé numérique » de l’administration Trump. La disparition du passage piétons arc en ciel, installé à Orlando en hommage aux 49 victimes de l’attentat du Pulp, interroge sur la pérennité de notre mémoire. Ceux qui confondent liberté d’expression (pour eux) et liberté de nuire (aux autres) agissent désormais de manière décomplexée. Ils prolifèrent sur des réseaux sociaux ancrés dans les valeurs puritaines américaines qui, en diabolisant les corps, ont installé partout une censure insidieuse mais implacable.
Déjà avec Les Tasses, Toilettes Publiques – Affaires Privées, son livre sur le rôle des pissotières dans l’émancipation des gays avant l’ère des applis de rencontres, Marc Martin tissait des ponts entre les lieux de mémoire controversés – donc gommés – et la survie des contre-cultures.
Sale réputation
Inaugurée à la Pride de Bruxelles au printemps, L’exposition Mauvaises Vies ? faisait déjà la part belle aux parcours en dehors des clous. À en hérisser le poil de Trump. Aujourd’hui à Paris, Marc Martin va plus loin. En s’attachant aux désirs et aux fantasmes qui ont jalonné son parcours personnel, il entend remettre en lumière la dimension activiste de la représentation des personnes fétichistes.
En regard de ses propres photographies, l’artiste est allé piocher dans les œuvres les plus dissidentes de la prestigieuse collection de Pierre Passebon. Les dessins érotiques d’Yves Saint Laurent (longtemps interdits sous la menace de Pierre Bergé), des inédits presque pornographiques de Jean Cocteau questionnent la notion de respectabilité.
Du Centre d’Archives LGBTQI+ de Paris IDF, il a sorti des pièces sulfureuses. Comme pour rappeler que c’est dans toute la diversité de la communauté LGBTQI+ que se niche la richesse de notre histoire. Et qu’aucune archive ne doit faire tache.
« Le sexe a sale réputation ? Tant mieux, l’exposition sera d’autant plus léchée », lance-t-il. La scénographie, qui s’articule autour du privé dans l’espace public, incite le public à enrichir sa compréhension des enjeux de la lutte pour l’émancipation et contre toutes les stigmatisations. Y compris au sein de la communauté LGBTQI+.
Marc Martin, « Mauvaises Vies ? »
Avec le Centre d’Archives LGBTQI+ Paris Île-de-France et la Collection Pierre Passebon.
Galerie Obsession, Paris 11
6 novembre – 10 janvier 2026
(relâche du 3 au 6 décembre et du 22 au 26 décembre)
Samedi 22 novembre, 14h30 : « On n’imagine pas tout ce que l’on peut faire avec des archives ! »
Rencontre entre Sam Bourcier et Romain Pinteaux.
Mardi 25 novembre, 18h :
Performance de Personne_public « Tout Donner ».




