Trump a déclaré ne pas savoir qui était Bad Bunny, alors pourquoi l’Amérique réactionnaire cherche-t-elle à faire annuler la performance de Bad Bunny au Super Bowl ?
Le 28 septembre dernier, la NFL, la ligue nationale de football américain, a révélé le nom de l’artiste qui assurera le show de la mi-temps du Super Bowl, prévu le 8 février 2026. Et, malheureusement pour tous les réactionnaires américains (et d’ailleurs), c’est le chanteur portoricain Bad Bunny qui a été choisi. Un immense scandale, une provocation sans nom pour l’Amérique pro-Trump et les supporters de MAGA (pour Make America Great Again, le slogan politique de Donald Trump devenu symbole de ses partisans), qui y voient une nouvelle victoire des « wokistes ». Selon eux, la doctrine aurait infiltré tous les pans de la culture américaine, jusqu’à cette institution suprême : le Super Bowl. On peut les comprendre : la finale du championnat de football américain, l’événement sportif le plus regardé aux États-Unis, est aussi l’un des plus suivis au monde.
Son Halftime Show est devenu une légende en soi, un rendez-vous pop culturel incontournable qui a vu défiler Michael Jackson, Beyoncé, Prince, Rihanna, The Weeknd ou Usher. Et dans ce contexte, l’arrivée de Bad Bunny fait clairement tâche dans le tableau conservateur. Pour rappel, Bad Bunny, 31 ans, originaire de Porto Rico, s’est imposé en moins de dix ans, et huit albums, comme l’un des artistes les plus influents et les plus streamés de sa génération. Son mélange de reggaeton (fusion de dancehall, hip-hop et musiques latines) et sa voix pleine de soupirs érotiques capables de réveiller un mort ont redéfini la sensualité masculine. Mais au-delà du sex-symbol, Bad Bunny est aussi un artiste engagé, voire un activiste. Il refuse de chanter en anglais, par fidélité à sa langue natale. Il a annulé sa tournée américaine, craignant que les fans latino soient arrêtés par l’ICE, la police anti-immigration de Trump, et a remplacé ces dates par 31 concerts à San Juan, capitale de Porto Rico, vendus en quelques heures et générant plus de 400 millions de dollars pour l’île. Mais c’est surtout son côté gender-fluid qui dérange. Avec son goût pour les imprimés fleuris, les vêtements roses, les ongles manucurés, Bad Bunny incarne une nouvelle masculinité : moderne, décomplexée, affranchie des injonctions virilistes. Qu’il pose en robe pour Jacquemus en 2022, qu’il devienne égérie Calvin Klein, qu’il s’affiche en drag dans le clip de Yo Perreo Sola ou qu’il défende publiquement les droits LGBTQ+, il brouille les lignes avec un naturel désarmant. Comme il le disait au Los Angeles Times : « en fin de compte, je ne sais pas si dans vingt ans j’aimerai un homme. On ne sait jamais dans la vie. Mais pour le moment, je suis hétérosexuel et j’aime les femmes ».
C’est donc tout ce que Bad Bunny représente - un homme de gauche, défenseur des minorités, anti-raciste, prétendument « wokiste » et nommé parmi les personnes les plus influentes au monde - que ses détracteurs reprochent au chanteur. Et, bien sûr, son immense célébrité et son impact majeur sur la jeunesse américaine.
Légende photo : Jacquemus new campaign starring Bad Bunny @badbunnypr
« LE SPLASH » new collection (2022)
