Que ce soit sur les réseaux sociaux, dans les manifestations ou les prides, de nombreuses personnes LGBTQ s’engagent contre le génocide à Gaza. Nous avons lancé à un appel à témoins pour voir ce qui poussait des personnes LGBTQ+ à militer dans ce sens. (Deuxième partie de notre dossier)

Cet article est la deuxième partie de notre dossier. Lire la première partie : Pourquoi et comment les personnes LGBTQ+ se mobilisent pour Gaza (1/2)
Le lien avec les luttes queer
Être LGBTQ et militer contre le génocide va-t-il de soi ? Un pin's aux couleurs du drapeau Palestinien figurait sur la dernière affiche de la marche des fiertés de Paris, au nom de la « convergence des luttes ». En dehors de cela et des prises de position de quelques collectifs, les associations LGBT n’ont pas pris position sur le sujet.
Peut-être parce qu’une référence revient souvent lorsqu’on parle des personnes LGBTQ+ qui militent pour la Palestine : celle du Hamas qui jetterait les homosexuels du haut des immeubles. L’argument a été cité à plusieurs reprises pour culpabiliser les personnes LGBTQ qui s’engageaient pour Gaza. En 2024, devant le Congrès Américain, Benyamin Nethanyahu, Premier ministre d’Israël, a ainsi déclaré que les pancartes « Gays for Gaza » revenaient à dire « Chicken for KFC ».
« J’ai fait des recherches sur ce sujet et on ne trouve qu’une vidéo », note Hamza. Et encore, la vidéo à laquelle il fait référence montrerait une exécution de quatre hommes homosexuels par Daesh à Falloujah en Iraq en 2015, rapporte l’agence de presse Reuters. La vidéo aurait été diffusée par Daesh lui-même à des fins de propagande. Il s’agit donc d’une fausse information. L’homosexualité est pénalisée à Gaza, mais elle n’est pas passible de la peine de mort.
Chez nos témoins interrogés, aucune contradiction entre le fait d’être LGBTQ et de militer pour la Palestine. Y a-t-il pour autant un lien ou une convergence entre les deux ?
Lutte contre le pinkwashing
Oui, répondent Les inverti.e.s qui luttent activement contre le pinkwashing, c’est à dire l’utilisation de la lutte pour les droits LGBT pour justifier ou détourner l’attention de l’oppression des Palestiniens. Ce phénomène, documenté en détail dans le livre de Jean Stern, Mirage à Tel Aviv (Libertalia, 2025), a trouvé une parfaite illustration avec la photo d’un soldat israélien posant devant les décombres de Gaza avec un rainbow flag sur lequel il est inscrit en trois langues « Au nom de l’amour ».
Les inverti.es ont répondu avec une action sur le Pont des Arts, où iels ont déployé un drapeau avec l’inscription « In the name of anti imperialism ».
Pour Osmose « le lien [entre luttes queers et lutte contre le génocide] est évident : c’est la vie, en fait. C’est le fait de respecter l’être dans ce qu’il est. » Mais complète-t-il : « au delà de ça, je n’ai pas besoin que la lutte contre le génocide ait un lien avec la lutte pour laquelle je suis directement impacté. Mon soutien n’est pas conditionnel. Si des êtres subissent un génocide, on lutte pour que ces êtres ne subissent plus ce génocide. Non seulement pour elleux, mais aussi pour nous, parce que si on commence à se dire que le génocide est ok pour certaines parties de la population, c’est ok pour tout le monde, y compris les personnes LGBT. »
Pour Nathan, son action constitue justement une réponse au pinkwashing d’Israël : « ce qui m'importe aussi, c’est de montrer qu'il y a des voix LGBT malgré ce que le Hamas faisait aux LGBT à Gaza, et de montrer que malgré tout, il y a plein de personnes LGBT et juives qui sont contre ce que Israël fait, et qu'au contraire, ce que fait Isräel, ça donne du grain à moudre au Hamas, ça les renforce. »
Pour autant, tous soulignent que dans les communautés LGBTQ, tout le monde n’est pas sur la même ligne. Les inverti.es participent régulièrement à des soirées queers pour porter cette question là. « Ce n’est pas facile », reconnaît Hayan. Je pense qu'il y a encore un travail à faire, surtout dans la politisation de la fête. (…) Mais on trouve qu'il y a une évolution, on trouve que la communauté s'est un peu plus ouverte à la question après le 7 octobre. »
Les limites de la mobilisation
Militer contre le génocide à Gaza ces dernières années vous expose souvent aux accusations d’antisémitisme. Les inverti.es y ont droit plus souvent qu’à leur tour. Ces accusations sont « absurdes », répond Hayan et viennent de la « confusion voulue » entre antisionisme et antisémétisme. Le collectif rejette toute discrimination systémique.
Comme beaucoup, Emily Tante se retrouve parfois confrontée à un certain sentiment d’impuissance. Mais tempère-t-elle, « même dans le sentiment d'impuissance généralisée, les gens ont envie de faire des choses. » Avec une inquiétude sur la capacité à tenir dans la durée : « Ce que moi et d’autres ami.es se posent comme questions, c’est il y a eu pas mal de collectes de fonds pendant l’été mais est-ce qu’il y en aura à la rentrée? Les collectes vont-elles se maintenir ? »
Osmose rit quand on lui demande s’il est confronté à des limites en militant : « mes limites, c’est que je suis limité à moi-même. Je suis un.e individu, je ne peux pas être autre chose que ça. A partir de là, je suis soumis à plein de choses : le temps et l’espace par exemple ! Et des besoins primaires comme manger, dormir, etc. Je fais comme je peux. (…) Parfois je me dis « aujourd’hui je vais poser mon téléphone, pour me changer les idées et me faire du bien ». Et si je fais ça pendant deux jours, je culpabilise et je reviens au travail. »
Malgré la fatigue militante, les Inverti.e.s entendent continuer à se mobiliser sur le sujet et faire pression sur le gouvernement pour qu’il cesse d’être complice avec le génocide : « tant que la Palestine n’est pas libre, on a l'obligation politique d'être présent dans la rue, dans les mouvements de solidarité ».
Photo : Pride des banlieues 2025. Xavier Héraud
